Les sonnets de Shakespeare à la Scala

Tous les jours à 18 h jusqu’à dimanche, nous faisons un petit parcours trilingue dans les sonnets de Shakespeare que nous avons traduits. Cela se passe à la Scala Provence dans une salle climatisée (c’est heureux).

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80 ans après : crimes et tortures effacés

Me rendant à la Maison de la Presse de Rostrenen alors que les commémorations de la Libération battaient leur plein (ou étaient supposées battre leur plein), j’ai vu en devanture un livre d’un certain Yannick Botrel intitulé Le Bezen Perrot 1943-1945 Supplétifs des nazis en Bretagne, le tout illustré d’un petit portrait au trait d’une sorte de clown blanc, pas vraiment effrayant, plutôt malheureux. C’est d’abord l’incohérence grammaticale du titre qui m’a frappée, puis la qualification de « supplétifs » donnée à des SS (le Bezen Perrot ou Formation Perrot ou encore Milice Perrot est un groupe de nationalistes bretons qui se sont enrôlés en 1943 sous uniforme SS pour combattre la France). Et puis, il y avait ce petit portrait mignard d’un assassin dans lequel j’ai immédiatement reconnu le tortionnaire Jean Guiomard (ou Guyomard), grand ami de Polig Monjarret, dont j’avais pu suivre l’itinéraire jusqu’aux massacres de Creney

Le volume consistait au total en une énumération par ordre alphabétique des membres du Bezen et des lieux où ils étaient intervenus, le tout dans un style de rapport administratif. 

En quatrième de couverture, l’auteur annonçait que les conséquences de l’engagement de ces quelques « supplétifs » avait été « dévastatrices » pour le mouvement nationaliste breton « dont une partie, dès 1940, a versé dans la collaboration ». On aurait pu croire qu’il aurait été soucieux de montrer en quoi les conséquences de ces nazis avaient été dévastatrices pour les résistants qu’ils avaient dénoncés, torturés et assassinés, mais non, c’est le « mouvement politique nationaliste breton » qui était d’abord à plaindre. Il s’agit là de la thèse, sans fin ressassée, des nationalistes dits de gauche : sans qu’on sache pourquoi, en 1940, une petite partie du mouvement breton a subitement sombré dans la collaboration, discréditant ainsi un bon mouvement nationaliste plein de vertus démocratiques. 

Sur ce point, même un autonomiste comme Kristian Hamon, qui a produit une histoire du Bezen Perrot plus que tendancieuse, reconnaît que le mouvement breton a collaboré dans sa totalité (c’est d’ailleurs ce que je démontre dans Le Monde comme si, paru en 2002, et qui explique la dérive du mouvement nationaliste depuis Breiz Atao, fondé au lendemain de la Première Guerre mondiale, vers le nazisme). Mais, bien sûr, il n’est pas question de chercher pourquoi. Un voile pudique doit tomber sur ces origines.

Un peu plus loin,  l’auteur déclarait que l’« on a beaucoup écrit, à charge et à décharge, sur cette unité » (c’est-à-dire le Bezen) et qu’il avait quant à lui « l’ambition d’établir les faits sans caricatures ni omissions ». J’ai dû relire ses propos : oui, à l’en croire, ces pauvres SS bretons méritaient mieux que l’histoire qui leur avait été consacrée « à charge et à décharge » (car, bien sûr, on peut loyalement écrire à la décharge des membres du Bezen – c’est d’ailleurs ce que font depuis longtemps les nazillons bretons). L’expression  « à charge et à décharge » laissait entendre qu’écrire « à charge » supposait « caricatures et omissions » autant qu’écrire « à décharge », donc en faisant l’apologie du nazisme. 

Il se trouve que j’avais (comme on le verra) écrit l’histoire d’une rafle à laquelle mon père avait échappé, mais non, entre autres, son ami Albert Torquéau, un jeune instituteur, retrouvé assassiné, les yeux arrachés à la cuiller, dans un bas-fond près de Plougonver, le 16 juillet 1944. La rafle avait eu lieu il y a aujourd’hui 80 ans jour pour jour. J’avais démontré que cinq membres du Bezen Perrot, que j’ai identifiés et dont j’ai suivi l’itinéraire, avaient torturé des jeunes résistants enfermés dans la cave du notaire de Bourbriac, puis les avaient assassinés. Je ne vais pas revenir sur les raisons qui m’ont amenée à faire l’histoire de cette rafle. Je m’en suis expliquée ici sous le titre hélas, selon moi, plus juste que jamais : Miliciens contre maquisards ou la Résistance trahie

Le livre, Miliciens contre maquisards, était paru en 2010 et avait connu de nombreux tirages. Feuilletant le livre consacré au Bezen avant de me résigner à l’acheter, j’ai découvert que l’auteur ne faisait référence à Miliciens contre maquisards que pour nier les faits que j’avais établis. 

Ils avaient déjà été niés avec acharnement par des historiens nationalistes qui avaient tout mis en œuvre pour les occulter, notamment Kristian Hamon : dans la mesure où les éditions nationalistes Skol Vreizh le publiait, ce nouvel auteur promu par ces éditions ne faisait somme toute que prendre la suite, comme il en a d’ailleurs fait l’aveu dans Le Télégramme :

Là intervenait pourtant un élément nouveau : l’auteur se présentait lui-même comme « ancien maire de Bourbriac, ancien vice-président du Conseil général 22, ancien sénateur des Côtes d’Armor ». Une brève recherche sur Internet m’a appris qu’il s’agissait, de fait, d’un aviculteur de Bourbriac devenu sénateur socialiste. 

Chose incroyable, ce sénateur, qui aurait tout de même dû avoir plus de réserve que les historiens militants du type Fournis, Mervin, Hamon et consorts, consacrait cinq pages de son livre à brouiller les faits pour laisser accroire que le Bezen Perrot n’était pas à Bourbriac ou plutôt aurait pu ne pas être à Bourbriac.

Quel intérêt ?

Pourquoi en revenir à un épisode qui, de l’avis du sénateur, n’était qu’un petit élément qui n’ajouterait pas grand-chose à la liste selon lui suffisamment documentée des « agissements des miliciens » (p. 176) ? Et pourquoi y revenir alors qu’à l’en croire des historiens ont déjà tout dit (il y aurait de quoi à rire s’il ne s’agissait d’un tel sujet) ? 

Il était clair qu’il s’agissait d’autre chose et quelque chose d’assez important pour qu’un sénateur socialiste en arrive à se plonger dans l’histoire pour n’en extraire que ce qui peut servir la doxa autonomiste dite de gauche, celle de son éditeur, lui-même partie prenante dans le combat nationaliste.  C’est une fois de plus, l’histoire façon Coop Breizh (diffuseur de toutes ces productions). 

Je vais d’abord essayer d’expliquer à quoi peut servir cette apparemment absurde entreprise ; je vais ensuite revenir sur l’établissement des faits ; je vais montrer comment ils ont été brouillés pour être occultés ; enfin, je vais tenter d’expliquer ce qui a motivé ce nouvel épisode et montrer comment la censure s’exerce en Bretagne. 

Cela donnera quatre parties :

I. Le rôle du sénateur

II. Les faits 

III. L’embrouillage 

IV. La censure

Allons-y. C’est un peu long mais impossible de faire autrement.

I. LE RÔLE DU SÉNATEUR 

En 2010, quand j’ai publié Miliciens contre maquisards, le sénateur Botrel était maire de Bourbriac. Plusieurs personnes ont voulu m’inviter et surtout inviter les résistants héros de cette histoire, notamment Marcel Menou qui avait été enfermé et torturé dans la cave du notaire de Bourbriac, Jean Le Jeune qui avait participé à ces événements, des maquisards, des témoins qui n’avaient jamais eu la parole : interdit. Pourquoi ? « Nous aurions bien voulu, mais c’est impossible », m’a-t-on répondu à chaque fois, « on nous met des bâtons dans les roues. » Qui « on » ? Je ne l’ai jamais su. Ces résistants sont à présent tous morts. Ainsi s’exerce la censure en Bretagne, mesquine, crapuleuse, sordide. 

S’il avait voulu ouvrir un débat sur le sujet et m’interroger puisque je m’intéressais, comme beaucoup de ses administrés, à l’histoire et notamment à l’histoire de sa commune sous l’Occupation, il aurait pu procéder à des invitations, voire, comme nous l’avons fait à Plougonver, recueillir la parole des témoins encore vivants, interroger les acteurs des faits que je rapportais. Il s’en est bien gardé. Tout au contraire, il s’est mis en devoir d’écrire lui-même l’histoire telle qu’elle devait être, c’est-à-dire telle que je ne l’avais pas écrite.  

Son but, ce faisant, n’était aucunement d’écrire l’histoire « sans caricatures et sans omissions », bien au contraire, comme on le verra, mais de discréditer mes  recherches, fort gênantes pour le mouvement nationaliste breton car, à partir de l’histoire d’une rafle, je montrais les liens des membres du Bezen avec la mouvance nationaliste mise en place par les nazis et, après-guerre, le recyclage de ces militants qui ont réussi à imposer leur idéologie, y compris sous habillage de gauche.  

Or, c’est bien cette idéologie qui sous-tend cette recherche : cet ex-sénateur socialiste est le parfait représentant de la dérive autonomiste des socialistes en Bretagne, dérive qui les a amenés récemment à demander l’autonomie pour la Bretagne sans avoir un seul instant envisagé de consulter les Bretons à ce sujet.

Historien autodidacte, l’auteur est allé consulter les archives à présent libres d’accès et a fait la liste des membres du Bezen Perrot. Jusqu’alors, cette histoire, écrite par des nationalistes, était cryptée :  seuls apparaissaient les pseudonymes des membres du Bezen. Pourquoi ? K. Hamon avait eu cet aveu (je l’ai rappelé ici) : il fallait dissimuler l’identité des nationalistes engagés aux côtés des nazis pour ne pas « nuire à leur descendance ». Car les collaborateurs des nazis avaient continué de militer et d’engendrer des militants, la cause bretonne restant inchangée, et ces militants qui occupent actuellement des postes clés en Bretagne auraient risqué d’être « blessés inutilement » que l’on rappelle le passé de leur famille. « Toute vérité n’est pas bonne à dire », déclarait cet historien : cette phrase pourrait être le maître-mot de l’historiographie bretonne. Avec pour corolaire : « Toute vérité peut être changée en son contraire. »

Je crois avoir été la première à donner systématiquement les noms et pseudonymes des membres du Bezen et autres groupes engagés aux côtés des nazis en Bretagne dans Miliciens contre maquisards. On conçoit que que je trouve comique (tristement comique) que le sénateur allègue que l’histoire du Bezen a été bien écrite.  

Il a, pour sa part, le mérite de donner les noms des membres du Bezen (connus de longue date) et des endroits où ils sont intervenus, mais comme les faits ne sont pas croisés, les dires de ces SS sont souvent pris pour monnaie comptante. De plus, les informations sont données massivement, sans mention de source précise dans leur immense majorité, assénées au présent de narration comme des blocs de faits énoncés sur le mode gris plombé du rapport de gendarmerie. À aucun moment l’ex-maire de Bourbriac n’a un mot qui donne l’impression qu’il a éprouvé un sentiment quelconque, une ombre d’émotion et d’intérêt véritable pour ce qui s’est passé dans sa commune. Ce qui s’y est passé, d’ailleurs, à lire son livre, n’est rien, vu que la seule chose qui importe à ses yeux est de démontrer l’absence du Bezen. Le silence des historiens précédents pouvait s’expliquer par l’ignorance ; désormais, il s’agit d’autre chose. 

Aussi incroyable que cela puisse paraître, cet homme politique rompu à toutes les arguties va jusqu’à écrire que ces « supplétifs au rabais » n’étaient pas des SS puisqu’ils dépendaient du SD (c’est à dire de la police des SS). Ceux qu’il appelle les « gours » (les mâles, les vrais hommes), reprenant sans honte la terminologie machiste guerrière des nationalistes, ont beau déclarer qu’ils étaient en uniforme SS, pas question de les croire. Ils se disent SS et portent l’uniforme, avec calot à tête de mort, mais non. J’ai cité les paroles de Gilbert Foix, l’un des membres du Bezen, en donnant la source : « Nous portions tous l’uniforme vert, avec le calot à tête de mort, plus tard le Feldmütze à tête de mort, épaulettes noires avec liséré vert, chemise brune, cravate noire, ceinturon SS avec la devise : Meine Ehre heisst Treue (Mon honneur s’appelle fidélité). Nous étions appelés SS man, nous les volontaires de la Bretonische Waffenverband der SS ! » Pas lu, pas vu : le sénateur retient juste que certains disent qu’ils sont en uniforme de « Waffen SD » (SD, Sipo-SD, donc police SS). Traduction : pas SS. À la fin, il est bien forcé de citer les grades des membres du Bezen en décembre 1944 : depuis SS-Untersturmführer pour le glorieux Célestin Lainé jusqu’à SS-Sturmmann pour Jean Miniou, Antoine Le Roy, Raymond Jégaden et le reste de la piétaille. Il reproduit même la photo du sinistre frère Guiomard au biniou : « SS Scharführer Pipo » indique la légende.

SS ? Pas SS. L’étiquette SD assure le tour de passe-passe. Une petite lettre suffit…  

En quoi est-il important de minimiser l’importance de ces soldats qui n’auraient pas manqué de faire la preuve de leur efficacité contre les Bretons si la Libération (ce que les nationalistes appellent la « prétendue libération ») n’avait pas eu lieu ? Mais c’est bien que l’essentiel, comme indiqué dès le début, est de montrer que ces 66 minables ont discrédité l’ensemble du bon mouvement breton : l’État jacobin s’est servi d’eux pour écraser les justes revendications des Bretons (c’est-à-dire ces revendications qui n’étaient précisément pas celles des Bretons mais d’un groupe militant dont l’idéologie était haïe par les Bretons – et non sans raison). Le discours des autonomistes de l’UDB est illustré par ce sénateur socialiste. Et imposé désormais partout en Bretagne. 

D’où l’importance de montrer comment il se fabrique. 

II. LES FAITS

Si j’ai commencé à travailler sur l’histoire de la rafle du 11 juillet 1944 près de Rostrenen, c’est qu’un petit éditeur m’avait demandé de préfacer le livre d’un résistant, Guillaume Le Bris, qui avait été enfermé dans la cave du notaire de Bourbriac avec les jeunes résistants par la suite assassinés à Garzonval. Intitulé Échos d’outre-tombe, ce livre, paru en 1948, avait connu trois autres tirages. Guillaume Le Bris était très clair : il y avait là des miliciens et des SS de la Formation Perrot. Il ne les confondait pas. 

Le Bris était un personnage ambigu et, comparant les diverses éditions de son livre, je n’ai accepté de poursuivre cette recherche qu’après avoir obtenu l’assurance que je pourrais dire la vérité, fût-elle de nature à jeter de l’ombre sur le personnage. Cette assurance obtenue, j’ai pu travailler aux archives et montrer que le livre de Le Bris  permettait de comprendre ce qui s’était passé à Bourbriac (et cela d’autant mieux qu’il circulait au lieu d’être enfermé dans la cave du notaire avec les autres prisonniers). 

Ses dires étaient confirmés par le rapport du commissaire chargé après la Libération de l’enquête sur les événements de Bourbriac, rapport qui ne pouvait en aucun cas être mis en doute et que j’ai cité. 

Ce rapport est le suivant :

« Le 6 juillet 1944, vers 15 heures, un groupe de patriotes cerna le bourg de Bourbriac et attaqua une petite formation allemande qui y était cantonnée et composée d’un officier et de douze soldats. L’officier réussit à forcer les barrages et à se rendre à motocyclette jusque Guingamp où il donna l’alerte. Vers 18 heures, plusieurs camions venant de la direction de Guingamp sont arrivés à Bourbriac. Une opération de nettoyage fut effectuée et des coups de feu furent tirés sur toutes les personnes qui circulaient dans les rues. C’est ainsi que M. Jouan François fut grièvement atteint à la jambe droite par une balle allemande, au moment où il sortait de chez lui. Conduit à l’hôpital de Guingamp, M. Jouan y décéda le 7 juillet.

À l’arrivée des camions allemands, il n’y avait plus de patriotes, néanmoins les opérations de contrôle et de nettoyage furent faites et, à 23 heures seulement, les Allemands quittèrent les lieux. La formation qui est venue à Bourbriac est la feldgendarmerie de Guingamp qui a fait l’objet d’une précédente enquête ; cependant le responsable de la mort de Jouan n’a pas pu être identifié.

Il est à noter que c’est après cet incident qu’une vaste opération fut effectuée à Bourbriac et dans la région avec la participation du S. D. de Rennes, de la Milice Perrot et des Groupes de Combat, opération qui a fait l’objet de l’ordre d’informer n° 638 du 28 juin 1946. »

Le commissaire différencie bien les membres de ce qu’il appelle la Milice Perrot et les miliciens qu’il désigne sous le nom de Groupes de combat. 

Lorsque j’ai identifié les membres du Bezen qui étaient présents (ils étaient cinq, – le chef, Chevillotte, plus Miniou, Morvan, Jarnouen et Magré – on les retrouve à Scrignac peu après), l’historien en titre du Bezen, Kristian Hamon, est entré en fureur car, à partir de ce rapport et du livre de Guillaume Le Bris, il était facile de démontrer à quel tour de passe-passe il s’était livré. 

Voici ce qu’il écrit dans son essai sur le Bezen : 

« À Bourbriac, le 6 juillet 1944, vers 15 heures, un groupe de résistants cerne le bourg et attaque une petite formation allemande d’une douzaine de soldats, dont un officier (sic) parvient à s’enfuir sur sa motocyclette pour donner l’alerte. À 18 heures, plusieurs camions de soldats allemands arrivent de Guingamp et procèdent à une opération de « nettoyage ». Alors que les résistants ont pris la fuite, des coups de feu sont tirés sur toutes les personnes qui circulent. Un vieil homme de 70 ans, François Jouan, est abattu sur le pas de sa porte. Le lendemain, 300 Allemands et le groupe de la SSP occupent le bourg pour des représailles. Toute la région va être ratissée pendant plusieurs jours : Peumerit-Quintin, Trémargat, Kergrist-Moëlou, Plouguernével, Plounévez-Quintin, Sainte-Tréphine, Plussulien, Haut-Corlay, Canihuel, Kerpert, Lanrivain, et à nouveau Saint-Nicolas-du-Pélem. Les patriotes arrêtés sont emmenés dans la cave d’une maison réquisitionnée par les Allemands et appartenant à Monsieur Souriman (sic) notaire à Bourbriac. Les conditions de détention n’y sont guère plus enviables qu’à Uzel, les prisonniers sont gardés par « des miliciens en tenue bleu ciel d’aviateurs », autrement dit la SSP.Ce groupe est commandé par Rémy Daigre, 38 ans, surnommé « Œil-de-verre », une brute épaisse doublée d’un alcoolique. Cet ancien maître d’hôtel à Rennes avouera qu’il a fait mourir des résistants à force de coups. À son grand désespoir, il ne parle pas l’allemand, mais pour faire impression sur les victimes il fait semblant ! » (Le Bezen Perrot, p. 144)

Comme on peut le voir, K. Hamon a repris le rapport du commissaire (sans mention de source, bien sûr) et s’est servi du témoignage de Guillaume Le Bris pour remplacer le Bezen par la SSP (la Selbstschutzpolizei) que le commissaire désignait du nom de « groupes de combat ». Le tour de passe-passe est simple : du fait que Le Bris est le seul à voir les miliciens de la Selbstschutzpolizei en uniforme bleu clair, alors qu’ils étaient en bleu marine, nous savons que K. Hamon s’est servi de son livre mais en se gardant de le citer et même de le mentionner : il s’agissait bel et bien de dissimuler la présence du Bezen à Bourbriac. Telle est sa façon d’écrire l’histoire.

Les miliciens de la SSP qui accompagnaient le Bezen.

Les cinq membres de la SSP agissaient de concert avec les cinq membres du Bezen.  Or, l’un des membres de la SSP, Hocquart, avoue :

« Nous sommes allés à Bourbriac où nous avons été chargés, entre autres, de garder des prisonniers dans la maison d’un notaire. Au cours de ce séjour, j’ai été mis de garde à un carrefour à l’entrée du village. Les Allemands avaient emmené en camion cinq ou six détenus. De l’endroit où j’étais de garde, j’ai assisté à leur exécution. En passant plus tard à proximité du lieu, il m’a été donné de voir les corps dans le fossé. » 

Comment Hocquart aurait-il pu inventer le fait que la maison du notaire de Bourbriac avait été changée en prison ? Comment aurait-il pu évoquer les assassinats de Garzonval sans y être ? Il explique que les deux groupes sont ensuite partis à Scrignac – j’ai retracé leur itinéraire avec assez de précision pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté. La SSP et le groupe du Bezen sont passés de Bourbriac à Scrignac pour des raisons dont les archives rendent compte clairement.

J’ai également recueilli des témoignages sur place et, entre autres, celui de mon oncle René qui, lui aussi, avait échappé à la rafle :

« À Garzonval, tiens, juste après le massacre de nos copains, un paysan qui conduisait une charrette sur la route a été pris à partie par les SS… Ils remontaient sur Plougonver et ils lui ont crié en breton : « Gare-toi de là ou t’es fait ! ». C’est le paysan lui-même qui nous l’a dit la première fois qu’on est allé à Garzonval après la guerre… Des SS qui parlent breton pour se faire obéir d’un plouc, supposé incapable de comprendre le français… il n’en revenait pas.   » 

Certains SS du Bezen Perrot parlaient breton, dont Chevillotte, le chef du groupe présent à Bourbriac qui, par haine de la France, s’astreignait à ne parler que breton ou allemand.  Par la suite, j’ai rencontré sur place d’autres témoins qui se souvenaient d’avoir entendu parler de ce qu’ils appelaient des « SS bretons ». Mémoire orale, mémoire peu fiable ? Elle confirme pourtant le rapport du commissaire qui, lui, était parfaitement clair.

Il y a aussi la carte envoyée de Bourbriac par Jarnouen, l’un des cinq membres du Bezen qui s’y trouvait avec la SSP. Silence à ce propos. 

Et puis la femme du notaire, qui avait été chassée par l’occupant pour changer sa maison en centre de tortures et venait tous les jours, évoque « quinze miliciens et deux officiers allemands ». Au nombre des miliciens, dit-elle, il y en a deux qui avaient « un bonnet de police avec la tête de mort », donc deux SS du Bezen puisqu’il ne s’agissait pas d’officiers.

Enfin, Vincent Jaglin, qui a interrogé Jean Miniou, l’un des membres du Bezen les plus retors, a obtenu confirmation de sa présence à Bourbriac. Mais, bien sûr, comme tous ses collègues, Miniou assurait n’avoir rien fait – juste, de temps à autre, garder quelques camions… 

Soucieux de faire passer directement le Bezen de Trébrivan à Scrignac, le sénateur a soin d’oublier la déposition du secrétaire de mairie de Trébrivan que je cite pourtant dans sa totalité :

« Le 29 juin 1944, une opération de police fut effectuée à Trébrivan par des Allemands stationnés à Maël-Carhaix avec la participation des membres de la Milice Perrot[…] Les Allemands qui ont opéré à Trébrivan ont cantonné dans le Morbihan et ont quitté Maël-Carhaix pour aller à Bourbriac»

Comment le sénateur et ancien maire de Bourbriac s’y prend-il pour nier la présence du Bezen à Bourbriac ? La méthode offre un bon exemple de la pratique des néo-historiens bretons.   

III. L’EMBROUILLAGE

Dans un premier temps, il reprend (sans mention de source) les informations que j’ai données sur les événements qui ont précédé la présence du SD à Bourbriac. Ensuite, passant totalement sous silence le rapport du commissaire, par trop explicite, il se perd dans les diverses déclarations de Guillaume Le Bris en ne gardant que ce qui lui semble confus. 

Le Bris déclare dans un rapport que l’exécution des sept détenus de Bourbriac est due « à Max et au groupe Perrot », ce qui semble exact et clair, mais cette déclaration ne vaut rien selon le sénateur car Max est le nom d’un officier qui dirige la SSP et pas « directement les gours » : et pourquoi cela ne confirmerait-il pas justement les dires de Le Bris qui mentionne et les membres du Bezen et l’officier de liaison entre le SD et la SSP (Max Jacob Oscar) ? 

Le Bris écrit dans Échos du silence qu’il y avait à Bourbriac des « membres appartenant à la Gestapo, à la milice et à la milice Perrot », ce qui semble également exact mais, toujours d’après le sénateur, ce ne sont pas là des « éléments factuels » : il aurait fallu, à l’en croire, que Le Bris demande le nom des SS du Bezen et qu’il les note bien soigneusement pour pouvoir les dénoncer ensuite. 

Autre argument : au cours d’une enquête sur l’un des chefs du Bezen, le sinistre Malrieu, on demande à Le Bris s’il le reconnaît ; il répond que non puisque Malrieu n’a jamais mis les pieds à Bourbriac. Pour le sénateur, c’est la preuve que Le Bris n’a vu aucun membre du Bezen qui donc n’était pas là.

Des dépositions des personnes présentes à Bourbriac, le sénateur a soin d’éliminer celle de la femme du notaire.  Censure par élimination : ne restent que les témoins jugés utiles puisqu’ils se servent à rien. 

Autre exemple de censure par élimination : le sénateur cite les déclarations du milicien Hocquart mais en ayant soin de couper tout le début qui concerne Bourbriac, comme on l’a vu. De sa déposition il ne reste que la fin :

« Les Allemands avaient emmené en camion cinq ou six détenus. De l’endroit où j’étais de garde, j’ai assisté à leur exécution. En passant plus tard à proximité du lieu, il m’a été donné de voir les corps dans le fossé. »

Après avoir mentionné le fait que la présence du Bezen a été « argumentée » (non pas démontrée) avec renvoi à Miliciens contre maquisards, le sénateur réduit mes recherches à néant grâce à cette preuve selon lui irréfutable : Miniou a dit avoir passé à Scrignac « presque tout le mois de juillet » ! Nous savons parfaitement que c’est faux puisque c’est seulement à partir du 18 juillet que le SD et les miliciens sont arrivés à Scrignac. J’ai consacré plusieurs pages à cet épisode en prenant soin de citer les rapports les plus précis mais le sénateur les passe sous silence. Il va jusqu’à placer les exactions de Scrignac avant celles de Bourbriac au motif que « la date de son arrivée [de l’arrivée du Bezen] dans la localité n’est pas déterminée avec certitude » ! Nous disposons, là encore, d’un rapport précis du commissaire de police judiciaire chargé de l’enquête et de témoignages divers – d’ailleurs K. Hamon, même si, s’embrouillant comme de coutume, il se trompe d’un jour et remplace la SSP par le Kommando de Landerneau, indique que « le 19 juillet, la troupe allemande, dirigée par Roëder du SD de Brest, un groupe du Bezen et le Kommando de Landerneau investissent le bourg » [le bourg de Scrignac] (Le Bezen Perrot, p. 145). Tout ça ne sert à rien. Seul Miniou est fiable – il est tellement fiable qu’il parle de Serignac au lieu de Scrignac mais c’est lui qui permet au sénateur de jeter le doute sur des faits bien établis : il a donc raison.

Censure par travestissement : une seule phrase d’un SS efface toute une démonstration. Il n’est pas inutile de rappeler que, dans Miliciens contre maquisards, j’avais longuement cité les dépositions mensongères de Miniou qui avait été élevé chez les bons pères et faisait preuve d’un jésuitisme remarquablement exercé.

Censure par détournement : à en croire le sénateur, quand Christian Guyonvarc’h, l’un des membres du Bezen à la mémoire particulièrement exercée, déclare que le Bezen était à Bourbriac, il ment forcément puisque Bourbriac est écrit Bourgbriac… 

Conclusion : rien dans l’ensemble du livre, pourtant supposé évoquer tous les lieux d’intervention du Bezen, ne figure sur les séances de torture à Bourbriac et les assassinats de Plougonver. Censure par occultation : ultime offense aux jeunes résistants assassinés voilà 80 ans, les Chevillotte, Miniou, Morvan, Jarnouen, Magré sont donnés pour innocents. Braves garçons, pas SS, juste un peu SD et incapables de se battre en batailles rangées comme devraient le faire de vrais « gours »… Ils l’ont pourtant fait lors de la bataille de La Pie, elle aussi passée sous silence. 

Effacement total d’un côté, surabondance de l’autre : il est permis de se demander pourquoi le sénateur consacre cinq pages à ce non-épisode (puisque le Bezen n’est pas concerné) quand chacun des autres lieux de tortures et d’exactions du Bezen mérite au plus quelques maigres paragraphes dans son livre.

Si ces cinq membres du Bezen n’étaient pas là, où étaient-ils ? Le sénateur ne le dit pas – pas plus que les autres historiens. J’ai pourtant pris la peine de reconstituer les itinéraires des groupes du Bezen. Aucune importance : l’essentiel est d’effacer leur présence à Bourbriac et, surtout, bien plus essentiel encore, de passer sous silence leur rôle après-guerre : ces militants bretons qui ont servi sous uniforme SS ont continué de militer pour une Bretagne libre, c’est-à-dire libérée de la France républicaine. À la Mission bretonne, dans les cercles celtiques, les maisons d’édition nationalistes, le MOB de Fouéré, la Ligue celtique, les mouvements druidiques, les partis nationalistes recréés après-guerre, les scouts Bleimor si ardemment  aimés par Alan Stivell, les revues comme celles de Per Denez, de Grall, de Glenmor et de vieux nazis comme Alan Louarn, dans les écoles Diwan, l’Institut culturel de Bretagne, Skoazell Vreizh, le FLB…

L’essai du sénateur vient illustrer ce que j’ai montré dans Le Culte des racines : c’est l’allégeance des socialistes au mouvement breton, infime numériquement et idéologiquement, qui a abouti à la situation où nous nous trouvons en Bretagne. L’histoire falsifiée sert un projet politique (inutile de rappeler que c’est celui du lobby patronal breton, commanditaire de L’Histoire de Bretagne en bandes dessinées qui a fait scandale sans toutefois cesser d’être diffusée).  

IV. LA CENSURE

La falsification sert à faire passer mes recherches à la trappe sur cet événement précis, je pense que la chose est claire – mais, au-delà ce mince événement (et d’ailleurs d’autant plus tragique que mince et qu’il est d’autant plus odieux de travestir sous couvert d’écrire l’histoire) c’est, bien sûr, autre chose qui est en jeu. 

Il s’agit, d’une part, de faire en sorte qu’il soit impossible de comprendre le rôle de ceux qu’il appelle des « gours » et leurs liens avec le reste du mouvement nationaliste breton, les Roparz Hemon, Fouéré et autres propagandistes grassement payés par les services allemands. Ainsi le sénateur évoque-t-il le SS Antoine Le Roy en dissimulant soigneusement le fait qu’il était l’amant de Roparz Hemon avec qui il s’est enfui en Allemagne et qu’il a suivi en Irlande en continuant de militer pour la cause. Doux militant breton dévoué à la grammaire d’un côté, tortionnaire nazi de l’autre : rien à voir. Le plus scandaleux est la manière dont il réhabilite Fouéré, agent de la Gestapo et patron de presse payée par les nazis ; c’est Fouéré qui mit sur pied la filière de « vrais faux passeports » destinée à permettre la fuite des SS vers l’Irlande et leur recyclage dans le combat qu’il poursuivit quant à lui par le terrorisme et la propagande ethnonationaliste. Dans le souci de réhabiliter l’un des membres du Bezen, Esnol, qu’il présente comme un doux poète, le sénateur socialiste ose écrire :

« Il entre en contact avec le journal La Bretagne dont le directeur est Yann Fouéré. Il vend à cette publication des articles sans tonalité politique portant sur « les scènes de la vie bretonne ». La ligne politique de ce journal est régionaliste et anti-autonomiste, en opposition donc avec L’Heure bretonne organe du PNB. » (p. 55).

Fouéré anti-autonomiste ! La Bretagne régionaliste ! Des articles sans tonalité politique dans un journal de propagande nazie ! Voilà plus de vingt ans que j’ai démontré comment Fouéré et les dirigeants de L’heure bretonne organisaient ensemble leurs campagnes de presse, comment l’antisémitisme le plus abject a été développé par La Bretagne et comment les mêmes auteurs passaient d’un journal à l’autre. Les faits sont d’ailleurs rappelés dans Milciens contre maquisards que le sénateur n’a pas manqué de lire pour nier la présence du Bezen dans sa commune. Voici un bref extrait ouvrant sur un chapitre montrant comment Fouéré a permis le recyclage des SS du Bezen :

« Jean-Adolphe, dit Yann, Fouéré a, sous l’Occupation, fondé et dirigé un journal fasciste, La Bretagne. Ce journal, présenté comme modéré par rapport à L’Heure bretonne, organe du PNB, en était, en fait, le strict complément : Fouéré, membre du Kuzul Meur, le Grand Conseil secret, s’était accordé avec les responsables du PNB (Parti national breton) pour jouer la carte pétainiste, L’Heure bretonne jouant la carte allemande. Il suffit de parcourir les rubriques de l’un comme de l’autre en disposant de la table des pseudonymes de leurs collaborateurs communs pour s’en apercevoir — encore est-ce dans La Bretagne que se trouvent les articles les plus racistes jamais écrits en breton. […] C’est Fouéré qui, condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité et enfui au pays de Galles avec un faux passeport, organise la filière qui permet aux membres du Bezen de poursuivre leurs jours en paix. Il ne s’en cache pas, bien au contraire : il consacre tout un volume de ses mémoires à exposer par le menu comment tous ont pu s’en sortir à moindres frais. » (Miliciens contre maquisards, p. 311).

Le sénateur socialiste cite les mémoires de Fouéré sans rien y voir à redire. Il omet de signaler les liens de certains membres du Bezen avec les réseaux de Fouéré — de toute façon si anodins, anti-autonomistes et si aimablement régionalistes… Son but est bien d’abuser les lecteurs en interdisant toute réflexion sur les origines du mouvement nationaliste breton, sur l’inscription des SS du Bezen dans une mouvance, depuis longtemps mise en place (contre l’opinion des Bretons qui haïssaient ceux qu’ils appelaient les Breiz Atao) d’où est sortie la Formation Perrot. Pas un mot, bien sûr, sur le rôle délétère de l’abbé Perrot, sur son itinéraire, sur ses écrits : rien. Subitement, sans qu’on sache pourquoi, un nommé Célestin Lainé a décidé de créer le Bezen Perrot. Il était séparatiste, voilà tout. L’histoire vue du petit bout de la lorgnette pour empêcher de la mettre en contexte et de la comprendre…

Enfin et surtout, après avoir fait l’histoire de la rafle, j’ai montré ce qu’étaient devenus les personnages en présence. C’est bien ce que le sénateur s’est mis en devoir de faire disparaître : le nommé Miniou, il a continué de militer, dans les cercles nationalistes bretons et catholiques, jusqu’à sa mort ; le fils de Malrieu, Patrick, s’est retrouvé à la direction des institutions dites culturelles mises en place pour distribuer les subventions ; Joseph Morvan a poursuivi le combat en liaison avec Mordrel et autres nazis ; Bouëssel du Bourg, dont j’ai longuement étudié l’itinéraire, est présenté comme un brave garçon, pas vraiment au Bezen, juste peut-être un petit peu à côté : rien sur son rôle sous l’Occupation, puis à l’Institut culturel de Bretagne, ses regrets exprimés naguère dans une revue nationaliste quant aux chances perdues par Hitler. Polig Monjarret ? Il a été acquitté. Pas de séjour en Allemagne avec le Bezen, pas de propos racistes : on peut lui faire des statues. Les faits établis passent massivement à la trappe. Et ce brave Alan Heussaff, secrétaire de la Ligue celtique, qui trouvait que Faurisson avait raison, et Feutren, devenu professeur de français (quelle forfaiture !) en Irlande et qui martyrisait ses élèves, et la famille Péresse, et Jégaden qui paradait à Skoazell Vreizh,  et Joseph Hirgair revenu militer après un séjour en Irlande… 

C’est au sujet de Joseph et Pierre Hirgair que le sénateur s’embrouille le plus et que sa volonté d’occulter l’histoire qu’il est supposé raconter est le plus évidente car il a soin de passer sous silence le film La Découverte ou l’ignorance – Histoire de mes fantômes bretons qui évoque précisément l’itinéraire des cousins Hirgair – Joseph, qui s’était donné le nom bucolique de « Skao » (Sureau) et son cousin Pierre qui, lui, s’était non moins bucoliquement baptivé Ivarc’h (Chemin creux) et qui a été tué lors de la fuite du Bezen en Allemagne alors que son cousin bénéfiait, comme tant d’autres membres de Bezen, de la « rat line » bretonne vers les frères celtes d’Irlande. Le film qui a eu le grand prix du documentaire historique à Blois lors de sa première diffusion a été l’objet d’une censure constante en Bretagne, au point d’être interdit de programmation à Callac, sans même parler, bien sûr, de Bourbriac. 

Au cours du film, K. Hamon avoue que le Bezen était bien à Bourbriac : on conçoit qu’il ne soit pas question de le mentionner.  Ce parangon de fiabilité (d’après son émule) explique dans son essai Les Nationalistes bretons que Joseph Hirgair fut « tué en opération » (apparemment près de Branderion) et, dans son essai Le Bezen Perrot, qu’il fut tué « lors du mitraillage d’un train dans le Jura souabe »). » Il s’agit de Pierre, non de Joseph, mais quelle importance ? Lorsque nous lisons sous la plume du sénateur l’éloge de l’histoire du Bezen écrite par K. Hamon, n’oublions pas l’introduction de cette histoire déplorant, elle aussi, l’engagement de ces pauvres jeunes gens: 

« Qui dira le mal constant fait à la culture bretonne depuis 1945, du fait de la répression organisée par les tenants d’un nationalisme français présentant des caractères identiques à celui du Bezen puisque provenant des mêmes sources ? » (Le Bezen Perrot, p. 9).

La coupable, c’est la France républicaine. Il faut, comme l’écrit le sénateur socialiste, surtout dénoncer « les conséquences dévastatrices pour l’ensemble du mouvement politique nationaliste breton » de l’engagement des « gours ». 

Voici comment un professeur de breton, descendant d’un membre du Bezen Perrot, célèbrait le 14 juillet l’an passé, aussitôt approuvé par des militants, souvent payés par l’État français  :

Qui ose protester ? Qui ose résister ?

À Garzonval, où un beau travail de mémoire a pourtant été fait avec les habitants, pas un mot sur le Bezen lors des cérémonies de commémoration. À Rostrenen, les quatre-vingts ans de la rafle seront, soyons-en bien certains, passés sous silence. Pauvre Torquéau, pauvres héros assassinés pour tant de mensonges et de lâcheté. Du moins ne sera-t-il pas dit que je n’aurai pas protesté. En vain mais pas pour rien.  

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On trouvera ici quelques commentaires sur la dernière cérémonie de Garzonval et un court article de synthèse.

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Ce triste épisode a le non moins triste mérite de mettre en lumière le système de propagande instauré en Bretagne par les médias liés au lobby patronal de Produit en Bretagne : si toutes les productions autonomistes diffusées par la Coop Breizh bénéficient d’un traitement de faveur, le sénateur, lui, bénéficie d’un traitement de faveur redoublé. Il est intéressant de suivre cette promotion qui fait du Bezen l’accompagnement breton du quatre-vingtième anniversaire de la Libération.

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Les sonnets de Shakespeare au lycée Edouard Herriot

En janvier dernier, nous avons travaillé au TNP avec des élèves du lycée Édouard Herriot. Les professeurs, et d’abord Anne Robardel qui était à l’origine du projet (elle avait fait partie du groupe d’enseignants qui avaient fait un stage sur la traduction en 2023 et m’avaient permis de tester l’adaptation que j’en avais faite pour la Scala – merci à eux !), avaient choisi de rassembler des élèves de tous les niveaux : oui, de la seconde à la khâgne – et pas n’importe quels khâgneux : d’éminents anglicistes qui avaient les Sonnets au programme du concours. C’était extraordinaire. À aucun moment les différences de niveau ne se sont senties ; chacun lisait, en anglais ou en français, et faisait en sorte de rendre le texte audible et sensible. La lecture finale était merveilleuse et les petits de seconde n’étaient pas les derniers à s’imposer. 

Ce sont les élèves qui ont demandé à poursuivre l’expérience tout au long de l’année, jusqu’à donner un spectacle. Et, malgré examens, concours et travaux prenants, le spectacle va avoir lieu demain. 

Voici un message adressé par Anne Robardel… 

« Cher André,

quelle aventure ! Nous travaillons d’arrache-pied depuis une dizaine de jours pour monter une récitation à la hauteur de la lecture que Françoise et vous nous avez offerte au TNP. Les récitations s’avèrent acrobatiques car les récitants sont éparpillés dans plusieurs classes différentes et il a donc fallu faire preuve de beaucoup d’imagination pour arriver à créer une forme correspondant à ce que nous souhaitions raconter, afin d’être fidèles à l’esprit de la partition dessinée par Françoise et vous … Depuis quelques jours, les pentamètres et les décasyllabes résonnent donc dans tous les coins du lycée Edouard Herriot et nous sommes tous en état de grande effervescence poétique.

Puis, pour couronner le tout, nous avons appris avant-hier que 4 de nos sonnets étaient admissibles aux oraux de la rue d’Ulm, ce qui nous a conduit à revoir le casting à la dernière minute…


Bref, tout cela est considérablement acrobatique mais aussi plein de vie, de joie, de créativité et de liberté. J’espère que le résultat vous plaira.

Je vous mets en PJ nos affiches. » 

Quatre admissibles sur une seule classe au très redoutable concours de l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm ! Tous mes vœux les accompagnent. Ils ont fait preuve d’une telle modestie lors de notre lecture collective des sonnets qu’ils semblaient avoir tout à apprendre des autres. C’est peut-être le secret de la réussite…

À dire vrai, nous sommes très fiers d’avoir suscité cette expérience. Et nous admirons l’enthousiasme de ces professeurs passionnés par leur métier, par la poésie, par la vie. 

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Rencontre à l’IMEC

Durant deux jours, sur le thème « Archives littéraires et traduction », j’interviens à l’IMEC (Institut Mémoire de l’édition contemporaine) avec André Markowicz. Vu le thème prévu, je devais parler du fonds Armand Robin que j’ai déposé à l’IMEC mais j’ai découvert que ce serait du fonds Danielle Collobert que j’ai archivé en vue de donner l’édition des Œuvres (parues chez POL et à présent disparues). Ce sera l’occasion de confronter deux fonds d’archives, deux expérience d’édition (que j’ai déjà évoquées ici) et de les mettre en relation avec l’expérience des éditions Mesures que nous poursuivons actuellement.

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Les éditions Mesures à la librairie L’Écume des pages

Ce soir, à 19 h, rencontre à la librairie L’Écume des pages, 174 boulevard Saint-Germain dans le VIe arrondissement. Le sujet (entre autres) : la cinquième saison des éditions Mesures.

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Monjaret contre Monjarret

J’ai déjà consacré un article à Joseph Monjaret, héros de la Résistance voué à l’oubli pendant que tant de nationalistes bretons collaborateurs des nazis étaient glorifiés – ainsi Paul Monjarret dont j’ai dû évoquer l’itinéraire pour éviter que son nom ne soit donné à un collège, une place, et je ne sais combien de rues… Le journal Bretagne-Île-de-France a eu le courage de publier un article à ce sujet. Qu’il en soit remercié.

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L’amour des trois oranges 

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Voilà, il existe : son baptême a eu lieu samedi à Port-Louis à la librairire La Dame blanche (nom prédestiné car les dames blanches font partie des fées dont j’ai longuement étudié les mœurs, notamment dans la collecte de Luzel ). J’aurais dû commencer par lire l’un des textes qui illustrent la poésie du conte (qui fait l’objet de ce livre) mais j’ai été entraînée par mon périple dans le domaine du conte à la suite du tir de barrage destiné à m’interdire d’éditer les carnets de Luzel… Vaste saga. Trop vaste : nous voulions présenter la cinquième saison des éditions Mesures et nous n’avons pas pu parler assez précisément des autres livres.

Cette soirée mémorable marque, après notre première apparition au festival Rue des livres, un changement car, voilà encore quelques années, le fait de nous inviter était, en Bretagne, tout simplement impossible (ou alors héroïque et ne pas prévoir de service d’ordre revenait à s’exposer aux risques d’intrusion de hordes furieuses, d’enfarinage ou autres pratiques des militants bretons). Il faut souligner la générosité de Georges Guitton, qui avait accepté d’être présent comme modérateur et qui a accompagné toute cette rencontre. Dominique, la libraire, avait été stupéfaite de voir qu’en douze heures, la liste des réservations était pleine – et il a fallu refuser une trentaine de personnes…  

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Il ne s’agissait pas, comme en d’autres lieux, de militants venus en masse mais de lecteurs normaux, pas plus intéressés par Le Culte des racines (que je présentais aussi) que par les livres des éditions Mesures. Et de lecteurs merveilleusement chaleureux et bien intentionnés.

Enfin, comme on peut le voir, un correspondant du Télégramme était présent (alors que l’omerta était jusqu’alors de règle) et son article n’était pas à charge… 

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Rencontre à Port-Louis

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Les sonnets de Shakespeare au lycée

Poursuivant l’expérience engagée avec Les Mistoufles, David Gauchard a choisi de travailler sur les Sonnets de Shakespeare parus aux éditions Mesures : comme avec les enfants pour Les Mistoufles qui ont donné lieu à sept CD, il s’agit de faire entrer la poésie dans les classes en travaillant sur le rythme, les sonorités, les rimes – bref, de rendre la poésie vivante et de permettre aux élèves de la dire. 

Nous serons aujourd’hui au lycée de l’Aulne à Châteaulin et le 29 mars au lycée ISSAT de Redon.

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Deux protestations courageuses

Le conseil régional de Bretagne demande l’autonomie au nom des Bretons. Nul débat, opposition muselée, déluge de propagande. En Bretagne, Benjamin Morel, qui a publié La France en miettes, n’a eu droit qu’à des invectives de la part du président du conseil régional ; les diverses lettres ouvertes rédigées par des citoyens indignés n’ont reçu aucune réponse ; le libelle que j’ai publié aux éditions du Seuil sous le titre Le Culte des racines s’est heurté à l’habituelle omerta (impossible de l’emprunter dans une seule bibliothèque de Bretagne). 

Dans ces circonstances, il faut saluer le courage de Kofi Yamgnane qui ose ouvrir le débat interdit. Je vous invite à lire l’article que j’ai publié à ce sujet sur le site du Groupe Information Bretagne et à aller le soutenir si vous le pouvez vendredi prochain à 20 h à la MJC de Kerfeunteun à Quimper. 

Accoutumé aux insultes racistes en provenance des nationalistes bretons et autres, Kofi est bien le premier à être conscient des risques qu’il prend. Son mérite n’en est que plus grand – et ce d’autant que, lui qui a été ministre d’un gouvernement socialiste, se trouve face à la trahison des élus socialistes bretons. 

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Le lendemain, de 9 h 30 à 12 h 30 dans la salle Fraboulet au 17 rue de Penthièvre à Saint-Brieuc, il sera possible d’écouter une conférence d’un autre courageux, Daniel Quillivic, qui, lui, a osé protester contre l’adoption du « Bro goz » comme hymne de la Bretagne. Les Bretons n’ont jamais été consultés non plus au sujet de l’adoption de cet hymne ridicule, plagiat dû à un druide antisémite, collaborateur des nazis, comme Daniel Quillivic le démontre dans son essai.  

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