Réhabilitation d’un nazi : l’abbé Perrot (suite)

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Comme suite à l’article que j’ai publié ici le 4 décembre pour alerter sur la nouvelle entreprise de réhabilitation d’un militant nationaliste breton collaborateur des nazis, l’abbé Perrot, je reçois d’une lectrice indignée un article du journal Ouest-France.

Je donne cet article tel que je l’ai reçu, découpé aux ciseaux et un peu froissé, car je l’ai cherché en vain sur le site des éditions Ouest-France : il semble avoir disparu. Son auteur, le directeur de la rédaction du Finistère, aurait-il eu honte ? Le supposer est encore faire preuve d’un optimisme qui cependant ne semble guère de mise en pareil domaine. 

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Cet article s’inscrit dans un contexte particulier : l’opération de propagande organisée par les nationalistes d’extrême droite pour promouvoir la dernière production du militant indépendantiste Yves Mervin, une apologie de l’abbé Perrot. On en trouvera le programme sur le site de la Fondation Fouéré

Ce qui le rend intéressant est le fait qu’il nous amène à détourner le regard de son sujet apparent, l’abbé Perrot, un collabo parmi tant d’autres, un nationaliste parmi tant d’autres, un curé qui ne mériterait que l’oubli car il a trahi la Bretagne qu’il entendait défendre. 

Mais c’est précisément cet oubli qui est refusé, et précisément refusé pour légitimer cette trahison au nom d’une Bretagne éternellement victime de la France. 

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AMALGAMES

Le directeur de la rédaction d’Ouest-France ne connaissait manifestement rien à la question quand il a eu vent des protestations contre la conférence organisée à Quimper . Sa seule source d’information semble être un livre publié par le journaliste Thierry Guidet en 1986 à la Coop Breizh, maison d’édition nationaliste, un livre au titre racoleur : Qui a tué l’abbé Perrot ? 

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Avant de rendre compte de cette conférence, dans un article en date du 8 décembre, passant sous silence le fait que cette conférence avait fait l’objet de protestations de plusieurs associations, et surtout passant sous silence les motifs de ces protestations, il s’en était pris à la volonté de censure de la Libre Pensée : à l’en croire, le pauvre abbé avait été injustement suspecté d’autonomisme, puis de séparatisme et de collaboration car il recevait dans son presbytère des militants nationalistes.

 On croit rêver… 

Et pourtant telle est bien la thèse qu’il défend au mépris de toutes les recherches qui ont pu avoir lieu depuis trente ans : l’abbé Perrot, ce militant nationaliste de la première heure, l’âme damnée de Célestin Lainé, Mordrel et alii depuis les années 20, aurait par hasard, du fait qu’il s’intéressait au breton, croisé la route de quelques nationalistes

Je n’invente rien. La formulation est la suivante :

L’amalgame était, en effet, on ne peut plus facile, l’abbé étant amalgamé depuis les origines avec les plus fanatiques séparatistes, y compris les terroristes de gwenn-ha-du qu’il avait soutenu lors de leur procès… S’il les recevait dans son presbytère, c’est qu’il collaborait comme eux avec les nazis et ce n’est pas pour rien que son « fils spirituel », Célestin Lainé, a donné son nom au Bezen Perrot. Ses responsabilités sont d’ailleurs établies par des historiens que l’on ne peut accuser d’être hostiles aux autonomistes bretons, ainsi S. Carney. 

Mais rien de cela ne compte aux yeux du journaliste chargé de relayer la propagande des héritiers de l’abbé Perrot. 

PROPAGANDE

L’article du directeur de la rédaction du Finistère qui a tant indigné ma lectrice s’inscrit dans une campagne bien orchestrée – campagne qui se prolonge  le 14 décembre par un article de la revue Bretons, revue militante acquise à la cause du lobby patronal breton.

La journaliste s’appuie, quant à elle, sur les dires de l’historien autonomiste K. Hamon qui, naguère établissait le rôle de délateur de Perrot et à présent le nie. Ne va-t-il pas jusqu’à présenter le bon abbé comme une « figure respectée pour son engagement pour la langue bretonne », une figure « œcuménique », quoique, bien sûr, « foncièrement antisémite » mais qui ne l’était pas à l’époque ?…

Une « figure respectée » ! Mais respectée par qui ? 

« Œcuménique », alors que sa hiérarchie elle-même avait dû sévir contre lui à plusieurs reprises sans parvenir à le rendre moins fanatique ? Le responsable de l’exécution de l’abbé Perrot, c’est bien son évêque qui avait espéré le calmer en le nommant dans une paroisse rouge, Scrignac. Loin de se calmer, l’abbé ne fit que multiplier les provocations. Qui séme le vent…  

Enfin, « respecté pour en engagement pour la langue bretonne » ? Pauvre langue bretonne soumise aux délires racistes de ces fanatiques !   

L’article d’Ouest-France et l’article de Bretons (revue liée à Ouest-France et membre de Produit en Bretagne, émanation de l’Institut de Locarn) sont complémentaires : ils accréditent la version des autonomistes comme version officielle. 

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UN PASSÉ BIEN EMPÊCHÉ DE PASSER

C’est dans ce contexte que s’inscrit l’article qui a tant indigné ma lectrice. 

Intitulé « Mort de l’abbé Perrot : un passé qui ne passe pas », il fait l’apologie de la conférence-débat (quoique sans débat) tenue malgré ces empêcheurs de conférer en rond qui « vandalisent, dynamitent » au seul nom de Perrot et interdisent qu’on le prononce. » 

Quand les associations protestataires ont-elles vandalisé ou dynamité quoi que ce soit ? Il semble plutôt que le monument aux morts de Scrignac ait été dynamité par un membre du FLB, Michel Chauvin,associé à cet hommage à Perrot. La conclusion de l’article est nette : « Tout le monde s’accorde à dire que l’abbé était un homme bon. Sans doute. Il ne fut en tout cas pas ce nazi ou ce collaborateur que certains décrivent. Même si son anticommunisme primaire l’a amené à commettre des erreurs politiques. ».  

L’anticommunisme a bon dos. 

Il sert à effacer d’un mot, en bloc, le séparatisme, la haine de la France, l’antisémitisme, le soutien apporté aux pires nationalistes bretons collaborateurs des nazis, y compris ceux qui allaient s’enrôler sous uniforme SS – autrement dit tout ce qui a été à l’origine de l’exécution de l’abbé Perrot par la Résistance. 

Les nationalistes d’extrême droite qui sont à l’origine de ces diverses interventions à la gloire de l’abbé Perrot peuvent se réjouir : la propagande journalistique qui les soutient leur permet de diffuser leur idéologie, héritage de Perrot. 

Cette propagande laisse oublier l’essentiel, à savoir que si ce passé ne passe pas, c’est uniquement parce que les militants nationalistes bretons qui sont les héritiers de l’abbé y trouvent leur intérêt.

Sans eux, qui parlerait de ce prêtre fanatique auteur de pièces de patronage et de vies de saints totalement ineptes ? Il n’a pas peu contribué au discrédit dans lequel la langue bretonne est tombée au lendemain de la Libération : langue de collabos haïssant le breton parlé par le peuple… Comment n’est-il pas considéré par une brebis galeuse par ces chrétiens qui prônent une religion d’amour ? Les Feiz ha Breiz et autres Bleun Brug fétichisant le kit nationaliste n’ont pas peu discrédité le catholicisme dont les Bretons se sont si rapidement détachés.  

Le seul passage intéressant du livre d’Y. Mervin est celui qui rappelle la stupeur de Daniel Trellu, le chef de la Résistance FTP du Finistère, sidéré par le battage organisé autour de ce curé. C’était en 1986, à la suite de la pièce de G. Kervella sur Perrot. Replacée dans le contexte de la Résistance, l’exécution de collaborateur des nazis était, a-t-il alors rappelé, une exécution parmi tant d’autres, un acte de guerre, « sans commune mesure » avec l’importance que la campagne de presse en cours entendait lui donner. 

L’événément était, de fait, cette campagne de presse. 

Cet ancien résistant désignait ce qui semblait alors incongru, indécent, voire vaguement ridicule, à savoir cette montée en force des nationalistes par la propagande qui légitimait toutes ces vieilles lunes que l’on coyait à jamais éteintes. 

La prise de pouvoir des héritiers de Perrot sur l’opinion signifiait l’écrasement progressif de l’esprit de la Résistance, chacun pouvait alors s’en douter, mais cette prise de pouvoir paraissait invraisemblable.

C’était une erreur : à présent que les témoins directs sont morts, les nationalistes triomphent – l’abbé Perrot, personnage aussi nocif que son affidé Herry Caouisssin, membre du redoutable Kommando de Landerneau, fait figure de martyr, de héros de la nation, voire de saint promis à canonisation. Ainsi peut-il continuer de nuire.

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Réhabilitation d’un nazi : l’abbé Perrot

L’image que vous ne verrez pas dans le livre d’Y. Mervin : l’apologie de Mgr Tiso qui, en 1943, est présenté comme un héros par l’abbé Perrot. Il fait mieux que Hitler en Slovaquie…

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La réhabilitation des nationalistes bretons collaborateurs des nazis bat son plein. Après Roparz Hemon, Youenn Drezen, Polig Monjarret et tant d’autres, voici que l’IDBE (autrement dit la Fondation Fouéré qui se trouve à Guingamp) organise un hommage à l’abbé Jean-Marie Perrot qui fut exécuté le 12 décembre 1943 par la Résistance et donna son nom au Bezen Perrot, rassemblant des nationalistes bretons enrôlés sous uniforme SS pour combattre la France et le venger. 

Comment Yann Fouéré qui fut un agent de la Gestapo peut-il avoir une fondation chargée de diffuser son idéologie en toute impunité ? 

Comment cette nouvelle opération publicitaire destinée à faire la promotion du dernier livre de l’indépendantiste breton Yves Mervin peut-elle se dérouler au nom du « devoir de mémoire » sans susciter l’indignation ? Les productions d’Yves Mervin, autoéditées (mais diffusées par la Coop Breizh), entendent démontrer que la Résistance a fait plus de tort aux Bretons que les nazis. Son dernier livre est intitulé Jean-Marie Perrot, un crime communiste. 

Son premier livre, Arthur et David, avait pour but de nier et banaliser l’antisémitisme du mouvement breton, en dépit des textes accablants qui ont été largement diffusés sous l’Occupation (et parfois réédités depuis par des éditeurs nationalistes comme ce fut le cas pour les textes racistes et antisémites de Youenn Drezen). Il m’a fallu perdre un temps considérable à traduire ces textes ignobles qu’aucun militant breton de l’UDB ou autre parti nationaliste dit de gauche n’aurait eu à cœur de traduire et dénoncer. Au contraire, le secret était bien gardé – on lave son linge sale en famille, l’important étant précisément la famille, la famille nationaliste, la familia qui n’exclut que l’étranger – autrement dit, en l’occurrence, le Breton ordinaire, soucieux de connaître une histoire qui ne soit pas falsifiée.

À présent, ce même Mervin mène campagne pour réhabiliter l’abbé Jean-Marie, dit Yann-Vari, Perrot, un autre militant nationaliste, un curé de choc, fanatique au point d’avoir été mis en pénitence par son évêque à Scrignac, paroisse rouge, dans le but de calmer un peu ses ardeurs séparatistes. 

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L’ABBÉ PERROT AU SERVICE DU REICH 

Loin de se calmer, l’abbé s’empressa de cacher dans le jardin de son presbytère les armes du « débarquement de Locquirec », autrement dit les armes livrées secrètement par les services secrets nazis aux nationalistes bretons investis de la mission de combattre sur place en faveur du Reich. 

Complice de Célestin Lainé, d’Olivier Mordrel et de son cousin Bricler, qu’il recevait dans son presbytère, considéré par les habitants de Scrignac comme un « nid de vipères », l’abbé fut accusé d’avoir remis à Bricler le nom de résistants de Scrignac. Bricler, affairiste délateur, fut exécuté par la Résistance. L’abbé Perrot le fut aussi. Alors que l’essence était rationnée et les déplacements surveillés, l’abbé disposait d’une grosse Peugeot noire et d’un ausweis, ce qui lui permettait de surveiller les alentours et, entre autres, de participer au Comité consultatif de Bretagne mis en place par Fouéré et d’autres nationalistes. 

En 1943, la revue de l’abbé Perrot, Feiz ha Breiz (Foi et Bretagne), publie des articles très violents intitulés (en breton) « La main de Moscou », « Le charnier de Katyn » et « Un pays dirigé par un prêtre » (ce dernier célébrant Mgr Tiso, le chef de l’état slovaque qui allait plus loin que les nazis dans la politique d’extermination des juifs). Perrot avait d’ailleurs publié dès 1940 un article violemment antisémite encourageant la politique raciale du Reich : à l’en croire, grâce à Dieu, le duc Jean le Roux avait chassé les juifs de Bretagne, ce qui avait délivré le pays de ce fléau. 

Ces articles, en plus des provocations constantes, des sermons menaçants et des risques que l’abbé faisait courir à la Résistance expliquent son exécution. 

Le moins qu’on puisse dire est qu’il ne fut pas pleuré par ses ouailles. En témoigne un entretien filmé avec les habitants de Scrignac lorsque, en 1985, la (très mauvaise) pièce de théâtre Yann Vari Perrot, la mort d’un prêtre, mise en scène par le (très consternant) Goulc’han Kervella (depuis décoré du collier de l’hermine par les nationalistes de l’ICB) fit polémique. On pourra apprécier le breton parlé par les habitants du bourg que Perrot entendait soumettre au règne du zh en même temps qu’à celui du Reich. 

Pour venger l’abbé, il n’y eut pas seulement le Bezen Perrot mais le Kommando de Landerneau qui fut créé dans le but de combattre la Résistance (il comptait entre autres les frères Caouissin, Édouard Leclerc, le futur épicier, et divers tortionnaires). Les membres de ces deux formations n’ont généralement pas tardé après la Libération à reprendre le « combat breton » en se faisant passer pour des martyrs. 

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FEIZ HA BREIZ ATAO ! 

La conférence organisée par la Fondation Fouéré au nom de Mignoned Feiz ha Breiz (Les amis de Feiz ha Breiz, la revue fondée par l’abbé Perrot), le diocèse de Quimper et l’association Ar Gedour doit se tenir dans la chapelle Saint-Laurent à Quimper. Elle sera suivie d’une cérémonie avec messe et hommage public au lieu-dit La Croix rouge de Scrignac et fera l’objet d’un colloque à l’abbaye de Landévennec. 

L’association Ar Gedour a été fondée par Efflamm Caouissin. Catholicisme intégriste et nationalisme breton : Youenn Caouissin, le fils de Herry Caouisssin, membre du Kommando de Landerneau,  a publié aux éditions Via Romana une apologie de l’abbé Perrot. Il collabore à la revue nationaliste d’extrême droite War Raokfondée par le terroriste et fondateur d’Adsav Patrick (alias Padrig) Montauzier, partisan d’une indépendance de la Bretagne sur base ethnique. 

Il est à noter que depuis de longues années, Scrignac, ancienne paroisse rouge, est devenue un haut lieu de la fachosphère qui s’y assemble pour commémorer son martyr, le bon abbé qui n’aimait ni les juifs ni les Français. 

Le maire (de gauche ?) semble trouver ça très bien et le curé aussi : le curé retraité Peter Breton participe à l’hommage en tant que « modérateur » (ne rions pas) avec la bénédiction du diocèse et la messe sera célébrée à Scrignac par le père Davy, ex-cuisinier, ex-instituteur Diwan et ex-patron du bar le Klud-Noz de Morlaix (où, d’après ses dires, « la dominante bretonne était très présente »). Le passage du bar de type associatif dans la mouvance gauchisante à la célébration de la messe en l’honneur d’un nazi donne à mesurer les fabuleux glissements dont le mouvement breton est spécialiste. 

Quant à l’ANACR et autres associations de défense de la mémoire de la Résistance, leur silence à ce jour est assourdissant. Les communistes, pourtant désignés à la vindicte publique, se taisent. Cette étrange soumission s’accorde avec l’égale docilité de l’église catholique, apparemment prête à défendre une idéologie pourtant peu compatible avec l’amour du prochain qu’elle entend prêcher.

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La cinquième saison des éditions Mesures 

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Qui l’eût cru ? Oui, les éditions Mesures entament leur cinquième saison, grâce au soutien des lecteurs, des abonnés, des libraires qui forment comme un chœur amical. En cinq ans, nous avons réussi à publier des livres impubliables ailleurs, et qui poursuivent tous leur petit bonhomme de chemin : les quatre volumes de Sur champ de sable, les œuvres inédites en russe comme en français de Kari Unksova, les Sonnets de Shakespeare dans la première traduction française qui respecte leur forme, La Folie Tristan traduite selon la même méthode, les contes de Luzel malgré la censure si lourde en Bretagne, et L’Oiseau-loup et Les Juifs, pièce oubliée d’un auteur inconnu… 

Bref, nous poursuivons notre aventure cette année avec, pour moi, L’Amour des trois oranges, un livre auquel je tiens beaucoup puisqu’il met fin à trente ans de recherches sur le conte, et une traduction des « poèmes de l’infortune » de Rutebeuf (un livre illustré par les Chats pelés qui avaient déjà illustré Les Douze d’Alexandre Blok, et ce rapprochement n’est pas fortuit). Je trouve merveilleux que cs deux livres fassent écho au Roi Famine, aux nouvelles de Zamiatine et aux Élégies du nord d’Anna Akmatova dans la traduction d’André : ce sont comme des ponts jetés d’un bord du temps à l’autre, d’autant plus précieux qu’ils semblent rapprocher des rives plus lointaines. 

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Pluie

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Je reçois le lien vers un bel article de Didier Gambert sur Pluie  : agréable surprise ! Le livre, paru en 2021 pour la Saison III des éditions Mesures (en même temps que L’Oiseau-loup et La Folie Tristan) a été comme oublié. Il devait être présenté en mars 2022 mais la guerre en Ukraine a éclaté : toute l’énergie d’André a passé dans ses chroniques puis dans la rédaction de son « Libelle » paru aux éditions du Seuil. L’Oiseau-loup a subi le même sort mais le spectacle de Jean Bellorini au TNP a contribué à le sauver. Pluie qui est pourtant le moins cher de tous nos livres et, à mon avis, le plus avenant car (mais peut-être est-ce là illusion d’auteur due à une vanité mal placée) mon illustration est celle que je préfère de toutes celles que j’ai faites pour les livres de Mesures. De plus, comme le rappelle Didier Gambert, j’ai prolongé cette illustration à l’intérieur du livre et ponctué les quatre saisons de cette année de pluie en quatrains par quatre images d’averse – un paysage effacé par l’orage vu par une lucarne du grenier de ma maison natale… la lucarne qui se retrouve d’un volume de Sur champ de sable à l’autre. pour toutes sortes de raisons que je ne vais pas exposer ici car ce serait trop long (et sans doute ennuyeux). Ce qui me semble le plus touchant dans cet article, c’est la délicatesse avec laquelle Didier Gambert met ce petit livre en relation avec les volumes de Sur champ de sable dont il est, de fait, comme L’Oiseau-loup, le prolongement. Et ce qui me semble le plus perspicace (car personne ne l’a vu jusqu’à présent) est le rapprochement avec la poésie baroque qui forme la trame de Sur champ de sable et de ces quatrains. Bref, il est rare de lire une critique aussi sensible, bienveillante et vigilante. C’est pourquoi je tenais à la partager. 

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D’une guerre à l’autre

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Mardi 14 novembre à 16 h aux Archives départementales des Côtes d’Armor à Saint-Brieuc, je présenterai mon expérience d’édition des photographies d’Yvonne Kerdudo et mon choix d’évoquer la Première Guerre mondiale à partir des visages des enfants. 

Cette intervention s’inscrit dans le cadre de journées d’études sur le thème du passage d’une guerre à l’autre. 

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C’est le moment pour moi de rappeler les travaux que j’ai effectués à partir des archives en m’opposant aux falsifications auxquelles elles peuvent servir (depuis les manuscrits d’Armand Robin jusqu’aux archives de la Seconde Guerre mondiale en passant par les carnets de Luzel). Les photographies sur plaques de verre d’Yvonne Kerdudo risquaient d’être, elles aussi, l’objet d’exploitations abusives : il est heureux qu’elles aient été déposées aux Archives départementales des Côtes d’Armor. 

C’est aussi le moment de rappeler que Les Enfants de la guerre, épuisés, sans un seul article en Bretagne, même en Trégor, sur les lieux explorés durant cinquante ans par Yvonne Kerdudo, ont été réédités après trois mois et rencontrent un public que ces images touchent non parce qu’elles sont bretonnes mais parce qu’elles sont universelles.    

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Rencontre à la librairie Les champs magnétiques

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Demain à 19 h 30, nous présenterons les livres de la saison IV des éditions Mesures à la librairie Les champs magnétiques, 80 rue du rendez-vous, dans le XIIe arrondissement, près de la place de la Nation – une librairie qui a obtenu le label Librairie indépendante de référence décerné par le CNL et le ministère de la Culture et qui, de fait, en toute indépendance soutient nos livres depuis le début. 

Le libraire a donné une synthèse des livres dont nous parlerons, et je trouve qu’ils forment une sorte de constellation improbable où tout se répond et trouve vie par ces reflets en miroir. Ils se répoondent parce qu’ils sont tous à leur manière une forme de résistance…

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Le culte des racines

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Je viens de recevoir mes exemplaires d’auteur du « libelle » intitulé Le Culte des racines » (à quoi l’éditeur a ajouté et l’Europe des régions pour rendre la problématique plus claire) : de fait, mon propos était bien d’attirer l’attention sur l’étonnante fabrication de régions à identité dite forte, régions qui seraient vouées à prendre leur autonomie (en attendant l’indépendance) en raison même de cette « identité » qui plongerait dans des « racines » issues du substrat de la race (mais le mot race est désormais proscrit, parlons d’ethnie). 

J’avais commencé voilà déjà longtemps à me pencher sur la fabrique identitaire en Bretagne – j’avais écrit Le Monde comme si pour protester contre l’enrôlement de la littérature, de l’art, de l’histoire, de la musique, du cinéma, de la langue bretonne, de la danse, de la broderie, du pâté, que sais-je, dans une vaste croisade. Or, dans le temps même que je constatais l’impossibilité d’ouvrir le moindre débat sur ce sujet en Bretagne, je voyais en Belgique, en Espagne, en Grande-Bretagne les mêmes revendications identitaires aboutir aux mêmes résultats : le régionalisme destiné à permettre aux régions à identité de cultiver leurs racines aboutissait à l’autonomisme lequel cédait graduellement place au séparatisme…

J’avais pu constater en lisant les déclarations des militants bretons depuis les origines (ce qui n’avait pas été une partie de plaisir) que leur but était naturellement l’indépendance de la nation qu’ils entendaient libérer au nom des racines celtes qui étaient supposé lui avoir donné naissance. C’était un discours raciste, naturellement issu des sérails les plus réactionnaires (ce qui explique que le mouvement breton ait massivement collaboré avec les nazis) mais qui était repris par la gauche alliée aux autonomistes eux-mêmes alliés aux écologistes, le culte des racines unissant pour finir l’extrême gauche et l’extrême droite dans une grand-messe partout célébrée à grands frais. 

Les discours du patronat local (qui avait tout intérêt à se libérer des lois de la République) donnaient au culte des racines une signification politique assez évidente.  Mais personne ne semblait avoir le droit de la voir – là était le problème essentiel pour moi : l’éclatement de la France en ethnorégions pleines de racines fabriquées pour la célébration du culte allait de soi et ne suscitait qu’une adhésion indifférente. Qui s’y opposait n’avait pas voix au chapitre et si, d’aventure, il se faisait entendre, sa voix était aussitôt étouffée. 

Je méditais sur cette situation de consensus, de censure et de propagande en relisant le voyage en URSS de Panaït Istrati lorsque un événement est venu me montrer à quel point de gravité la situation en était arrivée : le Musée de Bretagne avait organisé une exposition intitulée Celtique ? – exposition qui en donnant la parole à des « spécialistes » engagés dans le combat identitaire aboutissait à produire une propagande officielle absolument conforme à ce que pouvait attendre le lobby politico-affairiste (dont le rôle n’était, bien sûr, jamais mentionné). Or, cette propagande ne suffisait encore pas : les nationalistes, à l’initiative d’Alan Stivell (qui, après avoir présidé glorieusement l’exposition, s’est soudain aperçu qu’elle posait des questions malvenues) ont exigé (et obtenu aussitôt) que les notices de l’exposition soient récrites. La question interdite, celle que l’exposition avait pour but de rendre plus impossible que jamais à poser, était celle de l’usage du Celte, autrement dit de la fabrique du leurre. 

Je suis sortie de cette exposition avec un sentiment de honte – voir le buste gaulois de Paule, les objets de la Tène, associés aux horreurs à triskells mauves et aux gueulements bardiques, avec l’ignoble Morvan Lebesque pour conclure le tout, donnait l’impression d’être sali. 

C’est un peu pour me nettoyer de cette crasse identitaire qu’en quelques jours j’ai écrit ce libelle, et je m’en suis trouvée rassérénée. Je suis donc heureuse qu’il soit paru et j’en remercie Antoine Böhm qui m’a soutenue amicalement et m’a donné l’impression qu’enfin, oui, il était possible de protester et d’être entendu. 

Qu’il provoque la fureur des militants, les menaces, les invectives, les habituelles calomnies et les tentatives d’initimidation, il faut s’y attendre, mais puisse-t-il éveiller la conscience de quelques personnes qui aient, à leur tour, le courage de protester.  

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Étrange coïncidence, à l’instant même où je terminais cette brève présentation, je suis tombée sur la vidéo montrant le maire de Carhaix, l’autonomiste Christian Troadec, inaugurant ce jour le Salon du livre (créé à l’initiative de terroristes du FLB) par un discours glorifiant tout à la fois l’Écosse allant vers son indépendance (modèle assigné aux Bretons) et Alan Stivell, réveilleur de la conscience ethnique des Bretons. Le tout sur fond de haine de la France, avec rendez-vous en 2032 (l’année qui effacera 1532, l’année fatale de l’union de la Bretagne à la France). Et sur fond de fierté du Nous triomphant. Nul éditeur français n’est autorisé au Salon du livre de Carhaix : seuls les éditeurs autochtones et publiant des auteurs assez serviles pour se soumettre sont admis.

Difficile de trouver meilleure illustration de l’instrumentalisation de la culture en Bretagne et meilleure illustration du Culte des racines.

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Rencontres à Trouville

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Vendredi 3 novembre à 19 h 30 a lieu la projection du film de Vincent Jaglin La Découverte ou l’ignorance, projection suivie d’un débat auquel je suis invitée à participer. 

Cet événement, totalement impossible, je veux dire impensable, en Bretagne où la projection même de ce film relève de l’exploit, sera suivi, le lendemain, d’une rencontre à l’excellente librairie L’usage du papier qui présente depuis longtemps les livres des éditions Mesures. Je devrais pouvoir dédicacer mon essai Le Culte des racines dont les premiers exemplaires seront alors, j’espère, arrivés en librairie (il doit paraître le 3 novembre dans la collection « Libelle » des éditions du Seuil). C’est un petit complément du Monde comme si dont la réédition est en cours aux éditions Actes Sud.

Cette rencontre résulte elle-même d’une extraordinaire rencontre car cet essai est véritablement la suite du film de Vincent Jaglin – cette suite que les chaînes bretonnes de production avaient censurée en le contraignant à couper les quelques phrases que je prononçais à ce propos. Phrases d’une actualité plus brûlante que jamais… 

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Nazis et terroristes

Ces jours derniers, j’ai relayé sur le site du Groupe information Bretagne deux courageuses protestations contre la réhabilitation de militants nationalistes bretons engagés dans la collaboration avec les nazis. 

D’abord, la protestation de deux élues de Trégastel contre l’exposition en hommage à Marcel Le Toiser, protestation qui n’a pas du tout empêché l’exposition des toiles ringardes de ce nazi et a abouti à la stupéfiante déclaration du maire de Trégastel : « Faudrait-il condamner les pamphlets de Céline ? » De Le Toiser à Bagatelles pour un massacre, toute une conception de la culture…

Ensuite, la protestation du journaliste Uki Goñi dans le Gardian contre la carrière offerte par l’Irlande nationaliste à Louis Feutren, l’un des chefs du Bezen Perrot, qui a pu en toute impunité enseigner dans un collège catholique, maltraiter ses élèves et (entre autres) se montrer glorieusement photographié en uniforme de Waffen SS. Pour la première fois, les conséquences de la rat line celtique montée par Fouéré et ses acolytes est dénoncée, et justement par l’auteur d’un essai sur la filière d’évasion mise en place par les réseaux catholiques vers l’Argentine (La Véritable opération Odessa ). C’est ce que j’avais commencé de montrer à la fin de Miliciens contre maquisards. 

Et voici que les nationalistes bretons célèbrent Pierre Lemoine qui vient de disparaître – un terroriste de la mouvance Fouéré, l’un des fondateurs du FLB (Front de Libération de la Bretagne) en relation avec les vieux nazis réfugiés en Irlande. Spécialiste du double jeu à l’instar de Fouéré, Lemoine avait réussi à se donner une image de résistant, image utile pour camoufler ses engagements à l’extrême droite (ne le voit-on pas en 1958, membre du MOB, parader avec le SS Jegaden, un membre du Bezen Perrot pas plus repenti que les autres, et  au 11e congrès d’Adsav aux côtés de Pierre Vial, le fondateur de Terre et Peuple ?). Spécialiste, lui aussi, de l’intimidation (vieille méthode des militants nationalistes), il m’avait menacée de procès lorsque j’avais rappelé les origines de la Charte des langues minoritaires, concoctée par la Fédération Peuples et Ethnies solidaires (FUEV à présent FUEN) qu’il a durablement présidée. Menaces et invectives – reprises tant par la « gauche » que par l’extrême droite nationaliste – surtout utiles pour n’avoir pas à répondre sur les faits. Il est d’ailleurs intéressant de regarder l’hommage que lui rend la Fédération Peuples et Ethnies solidaires relayant les nationalistes de l’Agence Bretagne Presse (le texte est en allemand : essayez de le lire en français, vous serez édifié sur les conceptions linguistiques de ces glottophiles militants).

Réseaux ethnistes (la FUEV), réseaux affairistes (le CELIB), réseaux nationalistes d’extrême droite (le MOB et ADSAV), réseaux terroristes (le FLB), réseaux interceltiques, le tout au service de la religion catholique et de la Celtie voulue par Dieu : une toile d’araignée qui s’est tramée au lendemain de la Libération à partir des réseaux mis en place sous l’Occupation et qui n’a pas cessé de se développer. Cette idéologie mortifère se banalise et s’impose à présent avec l’appui des institutions. Le Monde comme si appelait à vigilance : l’aveuglement est à présent la règle. Et la Bretagne le lieu de cette régression. 

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Gwenn-ha-du

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Plusieurs lecteurs m’ont adressé le scan d’un article paru dans la nouvelle revue du Conseil régional, une luxueuse revue intitulée dont j’ignorais l’existence. L’article qui les a indignés est intitulé (en majuscules) « LE GWENN-HA-DU EST UN DRAPEAU TRADITIONNEL ». L’article dit, en fait, le contraire comme on pourra le voir, mais ne nous étonnons pas, il s’agit de propagande : nous sommes dans le monde comme si du nationalisme breton.

Cet article s’inscrivait si bien dans la continuité du troisième chapitre de ma Petite chronique d’un été breton que j’ai décidé de le mettre en ligne précisément pour montrer comment procède la fabrique identitaire développée par la propagande officielle en Bretagne. 

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Ce texte a été produit par une nouvelle instance créée par le Conseil régional, décidément très porté sur les initiales : BCD (pour Culture Bretagne Diversité). Cet organisme a naturellement pour fonction d’éliminer toute diversité. C’est une sorte de ministère de l’Identité qui délivre la vérité sur tout sujet ayant trait à la Bretagne. Laisser s’exprimer une voix dissidente : jamais ! Tout est hermétiquement verrouillé. Entre le Conseil culturel et BCD (où souvent siègent les mêmes) la Bretagne est prise sous une chape de propagande faussement aimable voire versatile qui s’alourdit de jour en jour. 

Il m’a semblé intéressant de rendre public cet article du dogme tel qu’édicté par la Voix du Pouvoir et de le mettre en relation avec la vérité des faits tels qu’elle peut être énoncée par un observateur étranger au culte du fétiche national.   

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