Petite chronique d’un été breton (2) : les Seiz Breur ou le fascisme à l’honneur

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C’est par un tract glissé dans ma boite à lettres que j’ai appris qu’une grande vente célébrant le centenaire des Seiz Breur avait eu lieu à Rennes. Qui a pu vouloir ainsi m’informer ? L’anonyme distributeur était-il un militant nationaliste jubilant ou un indigné m’appelant à protester à sa place puisque je suis, moi, supposée avoir le courage requis ? 

Que figure au juste cette allégorie, me suis-je d’abord demandé. Elle montre une bonne femme en béret de style militaire brandissant un drapeau brun et noir dans le dos d’une bonne femme en coiffe, le tout inséré au milieu de symboles néoceltiques enchevêtrés. Avec une mouette en prime puisqu’il s’agit de faire breton. 

Après un moment de perplexité face à cet embrouillamini, je me suis dit que, sans le vouloir, l’auteur du tract avait finalement bien saisi ce qu’étaient les Seiz Breur : un groupe combattant, et combattant sous drapeau  fasciste, dans le dos du peuple qui n’avait rien de mieux à faire que de le fuir, et la mouette aurait symbolisé cette évasion si elle n’avait piqué droit sur le motif. Nulle évasion possible. Vous y aurez droit. 

De fait. 

Voilà vingt ans, ce groupe raciste (l’article 1 des statuts de la confrérie indiquait que pour adhérer il fallait être « de sang breton ») avait fait l’objet, d’une exposition au Musée de Bretagne, alors dirigé par un militant autonomiste (une fois de plus, un militant de l’UDB, théoriquement de gauche, faisait un travail digne de l’extrême droite). 

Cette exposition était financée par la mairie socialiste de Rennes dont le maire, Edmond Hervé, s’est acharné à promouvoir les pires nationalistes (y compris éditeurs de textes antisémites comme Per Denez) et la pire laideur identitaire (voir la statue de Glenmor au Thabor). 

Nous avions alors, le critique d’art Jean-Marc Huitorel et moi, écrit des articles pour protester, et nous avions eu l’appui de la LDH, du MRAP et de divers journaux, dont Bretagne Ile de France qui avait eu le courage de publier une double page à ce sujet. 

L’article de Jean-Marc Huitorel (« Un point de vue ethniciste ») est toujours en ligne. 

Le mien aussi (« Art national breton et art totalitaire »). 

Par la suite, écrivant Le Monde comme si, j’ai pu replacer les Seiz Breur dans le mouvement Breiz Atao et, plus tard encore, écrivant Miliciens contre maquisards, j’ai pu suivre l’itinéraire des fondateurs du groupe (le redoutable Creston, la sinistre Malivel et sa collaboratrice du Guerny (C. Danio), délatrice exécutée par la Résistance, plus quelques agents de la Gestapo comme Marchal lui-même, Mordrel et son cousin Bricler. 

Nos protestations ne sont pas totalement restées lettre morte même si tout débat à ce propos a été rendu impossible. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai écrit Le Monde comme si. 

« Celtisme, ethnicité, revendication identitaire : l’art néo-breton développé par les Seiz Breur aurait pu inciter à une réflexion sur les relations de l’art et de la pensée totalitaire. Au lieu de cela, tant le luxueux catalogue que le dossier pédagogique et le livret pédagogique le donnent pour exemple de la modernité bretonne. Une « modernité » très orientée : le livret pédagogique remis aux enfants épingle diverses phrases grotesques et ringardes qu’il s’agit de replacer dans la bouche de Bretons d’opérette. Exemple de phrase ringarde… “La Bretagne fait partie de la France” ».

Voilà ce que j’écrivais alors.

Le luxueux tract à la gloire des Seiz Breur disait simplement que le travail de réflexion auquel nous avions invité n’avait servi à rien et que le prétexte du centenaire, comme dans le cas du gwenn-ha-du, n’avait pour but que de renforcer la propagande ethniste dont la Bretagne est désormais le lieu. 

Les Seiz Breur ne m’intéressent absolument pas – ou plutôt ils ne m’intéressent que dans la mesure où le règne de la laideur qui accompagne toutes les entreprises idéologiques dévoyées me semble mériter une étude mettant en relation ces productions avec celle d’une langue moche, morte, sans saveur, sans accent, le breton mis au point par Roparz Hemon en haine du peuple, Gwalarn et les Seiz Breur n’étant que des prolongements de Breiz Atao. Mais jamais aucun chercheur n’aura le courage de s’y consacrer, vu le contexte. 

Néanmoins, une fois de plus résignée au sacrifice, je suis allée voir sur Internet de quoi il retournait. 

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©FR3

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Les Seiz Breur au Parlement

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Un « événement culturel incontournable », la vente aux enchères de 300 « objets d’art » exposés au Parlement de Bretagne, telle était l’annonce. Et l’on pouvait voir défiler le catalogue de l’exposition ou le télécharger, lire des entretiens, voir des émissions ou des vidéos promotionnelles, tous les médias étant mobilisés pour assurer le triomphe de l’opération…

Extraordinaire vision que celle des productions de ces militants séparatistes au milieu du Palais de Justice… le tout accompagné de visites guidées au cours desquelles le catéchisme nationaliste était officialisé sous couvert d’amour de l’art, un art celtique supposé droit issu des gènes des Bretons sous la forme de spires, de volutes, de triskells, bref de copies serviles de motifs exploités par les militants irlandais du « Celtic revival ». Ces motifs plaqués sur des meubles lourdauds aboutissaient à des salles à manger, des salons, des bureaux de petits bourgeois fiers d’avoir l’air tout à la fois bretons et modernes : ameublement de notaires ou, comme dans le cas de Yann Sohier, le père de Mona Ozouf (lui-même membre des Seiz Breur), d’instituteurs doublés de militants de Breiz Atao. On peut d’ailleurs encore voir un buffet associant la faucille et la croix gammée (dite hevoud) dessiné selon les plans de Sohier et Andouard (le redoutable Loeiz Andouar, directeur d’Arvor sous l’Occupation) dans la grande période nationale-socialiste du programme SAGA (soutenu par Sohier). 

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Le grand légendaire breton

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Toute une part de l’exposition était consacrée à ce que les commissaires appelaient le « Grand légendaire breton ».  

Il s’agissait de gravures de René-Yves Creston destinées (nous disait-on) à illustrer une histoire de la Bretagne due à René Cruchon (alias Ronan Pichery), histoire qui devait paraître en 1942… Hélas, la publication avait été malheureusement retardée et, pour d’inexplicables raisons, rendue un peu difficile après-guerre. Ainsi nous offrait-on, miraculeusement retrouvé, ce sublime « Grand légendaire breton », œuvre majeure de l’art breton.  

À en croire les non-dits du catalogue, Cruchon était un grand historien qui, sous l’Occupation, s’était mis en devoir de fournir au fondateur des Seiz Breur la matière d’un nouveau chef d’œuvre… On le trouve pourtant présent dans Miliciens contre maquisards (p. 247), ce René Cruchon (Abroc’hell de son nom de druide), un vieux militant indépendantiste et agent de la Gestapo  qui avait chargé des membres du Bezen Perrot d’adhérer au groupe Collaboration. Membre du PNB nazi, collaborateur, comme Creston, de son organe, L’Heure bretonne, il produisit un opuscule intitulé Réflexions sur la politique dans le but d’inciter le PNB (qu’il jugeait un peu mou) à « former une nouvelle organisation qui se fera le champion des doctrines nationales-socialistes » et « développer les relations interceltiques pour favoriser les mouvements d’émancipation des peuples celtiques des îles britanniques » dans le cadre du Reich, car grandes sont les vertus de l’interceltisme.

Le simple fait que Creston travaillait avec lui après avoir infilté le Réseau du Musée de l’Homme et, revenu en Bretagne, publié dans la presse nationaliste nazie tout en poursuivant ses activités politiques amène à regarder cette exposition de gravures militantes non comme une production artistique mais comme ce qu’elle est, à savoir une arme idéologique exploitant tous les clichés de l’historiographie nationaliste pour les mettre au service du national-socialisme et combattre la France : depuis le paradis celtique jusqu’à la misère de la Bretagne en passant par les saints, les bardes, Nominoé (le grand héros, le symbole de l’indépendance), l’expulsion des Juifs (lot 85), les misères de la pauvre Anne de Bretagne mariée contre son gré à un roi de France, le Barzaz Breiz, le camp de Conlie, tout y est. C’est, en pire, L’Histoire de notre Bretagne de Jeanne du Guerny (alias Danio) illustrée pat Jeanne Malivel. Sous l’Occupation, mettre en œuvre cette propagande séparatiste était en soi un acte de collaboration. 

Les bons Bretons chassant les Juifs et combattant les Français

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Voir cette histoire de Bretagne présentée comme « grand légendaire breton » sous les ors de la République, au cœur de la Cour d’appel de Rennes, avait de quoi glacer le sang.

Et ces militants de gauche qui s’opposent à la résurgence de l’extrême droite ? 

Et ces universitaires si nombreux à Rennes, ces professeurs, ces historiens, ces sociologues, ces ethnologues que le cas de Creston devrait intéresser ? 

Rien. Pas un mot. Pas une protestation. 

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Un projet politique

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Tout ça se passe, comme de coutume, sous habillage festif : les commissaires priseurs déguisés en Bretons, tels Molac ou Bolloré en gilet glazik, nous invitent à venir communier en bretonnitude et modernité.

Carole Jézéquel, commissaire-priseur, fait à présent partie du Conseil culturel : elle pense comme il faut et elle est prête à servir la cause ; elle fait partie de la commission « Transmission culturelle et création en Bretagne » placée sous la direction de Rozenn Le Roy et de Jean-Marie Goater, l’éditeur de Jean-Michel Le Boulanger, militant autonomiste, ex-vice-président à la Culture au conseil régional et auteur d’un essai préfacé par Jean-Yves Le Drian appelant à la fabrication d’une identité bretonne destinée à permettre aux Bretons de devenir, qu’ils le veuillent ou non, bretons. 

Les Seiz Breur ont mis en œuvre ce projet et sont très utiles, non comme artistes mais comme chevilles ouvrières d’un projet idéologique. Qui est une offense au sens du travail modeste et bien fait que mettent à mal les productions des Seiz Breur : difficile de voir les meubles de Malivel sans avoir le rouge au front quand on a connu les meubles anciens qui à présent sont bradés dans les entrepôts où ils ne trouvent pas preneur. 

Je devrais assurément être d’abord indignée par la réhabilition de nationalistes collaborateurs des nazis comme Creston et Cruchon mais, en réalité, la laideur des productions des Seiz Breur m’indigne autant, comme composante d’une entreprise d’avilissement. Les œuvres de Jeanne Malivel, actuellement objet d’une propagande orchestrée au nom du féminisme, du communautarisme et de la celtitude opprimée (voir l’exposition qui lui est consacrée à la bibliothèque Forney) sont imprégnées de la même médiocrité : quoi qu’elle touche, elle le vulgarise avec la même application sectaire. Et l’on trouve encore à prôner ses illustrations de L’Histoire de la Bretagne de Jeanne du Guerny, qu’elle-même avait reniée comme expression d’une haine de la France qui passait toute limite… De fait, la haine de la France allait se manifester sans limites chez Jeanne du Guerny dont le château hébergeait sous l’Occupation les manœuvres des Waffen SS du Bezen Perrot. L’histoire de Bretagne de Cruchon s’inscrit dans la même ligne.  

Jetant pour finir un coup d’œil aux visites commentées et fimées mises en ligne sur Facebook, j’ai aperçu, après le fils de Creston, le fils de Youenn Drezen, lui-même militant nationaliste breton, et qui, récemment encore, avait fait scandale en niant l’antisémitisme de son père. Je me suis fait ici l’écho de cette longue polémique. Youenn Drezen antisémite ? D’après son fils, allons donc, pour quelques petits propos sans importance, « y a pas mort d’homme ». Donner la parole à ce militant est un acte politique. 

Lui succède un autre militant en extase devant la gravure de Creston montrant le chouan Cadoudal (valeureux héros breton, supposé incarner tout à la fois la religion, la haine de la Révolution et le nationalisme breton) et  Bonaparte. 

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Tout vibrant d’euphorie ethniste, le thuriféraire de Creston voit là quelque chose de prodigieux, la rencontre d’un vrai Breton et d’un vrai Corse… digne conclusion de cette exposition prônant avec un art ethniste bien fait pour connaître son heure de gloire sous l’Occupation. 

Cela se passe à Rennes, au Parlement de Bretagne, avec l’approbation unanime des médias, de la mairie socialiste et du conseil régional socialiste. 

Et à Callac, ville jadis communiste, les responsables  de l’association La Belle Équipe qui avaient interdit la projection du film de Vincent Jaglin La Découverte ou l’ignorance projettent un film à la gloire de Jeanne Malivel (Jeanne Malivel, un soleil se lève) et, digne complément, un film à la gloire d’Anne de Bretagne (Anna Vreizh 1514-2014). 

N’avaient-ils pas déjà projeté le ridicule film célébrant ce nazi que fut Polig Monjarret ?

Censure et propagande, les deux versants du même. 

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.Les bons Bretons chassant les Juifs et et comLes bons Bretons chassant les Juifs… battant les Françaiscombattant les Françaet combattant les FrançaisLes bons Bretons chassant les Juifs… Voir cette histoire de Bretagne présentée comme «  » sous les ors de la République, au cœur de la Cour d’appel de Rennes avait de quoi glacer le saPlus glaçant encore le silence des avocats, des magistrats, des élus, qui, voyant ainsi l’espace de la Justice détourné au profit d’une telle opération n’ont, sans même parler de chasser les marchands du temple, ni cherché à savoir ni protesté. 

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Petites chroniques d’un été breton (1). Le culte du drapeau

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Après le Festival d’Avignon, le retour en Bretagne, sous d’agréables averses que l’on aurait pu espérer faites pour chasser le touriste, semblait de nature à laisser un sentiment de paisible fraîcheur. Hélas, il n’en a rien été. Plus brûlant que jamais, le déferlement de propagande identitaire à base ethniste a pris une ampleur véritablement effrayante cet été en Bretagne. 

Jadis, les fêtes folkloriques montrant des Bretons déguisés en Bretons en train de danser pour les touristes suscitaient quelques protestations d’autochtones indignés d’être ainsi présentés comme vestiges de tribus pittoresques. Rares protestations, il est vrai, car les hordes de touristes profitaient au commerce et ces distrayantes exhibitions sur fond de biniou (et de sonneries de tiroirs-caisse) semblaient ne relever que du folklore. Nous n’en sommes plus là. Ces divertissements sont désormais le prétexte de conférences, de rencontres, de forums, de projections, de débats, de commémorations voire (la chose est nouvelle) de séances de redressement idéologique comme il en existait à l’époque soviétique.  

Entendons-nous bien : il s’agit là de conférences et autres événements « culturels bretons » où ne s’expriment que des militants nationalistes, de forums consacrés au business identitaire tel que conçu par le lobby patronal breton et de rencontres interceltiques organisées dans le but de promouvoir la libération des nations celtes. Jusqu’alors, craignant sans doute qu’une opposition se fasse jour malgré la censure, les organisateurs faisaient preuve d’une certaine retenue. Ce n’est plus le cas. 

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Le culte du drapeau

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Pour commencer, quel que soit l’événement, folklorique ou pas, sportif ou pas, breton ou pas, il importe de comprendre qu’il est voué à servir le culte du drapeau, le gwenn-ha-du, ce drapeau noir et blanc dont on célèbre officiellement le centenaire cette année (bien qu’il n’ait pas été, notons-le au passage, inventé en 1921, mais quelle importance ? Nous sommes dans la fabrique du consensus par une sorte de ministère de l’Identité aux consignes partout servilement relayées). 

Les drapeaux, il faut aussi le savoir, sont distribués pour être brandis par le peuple festif… À Carhaix, par exemple, où le maire autonomiste, Christian Troadec, a décidé cette année de prolonger les festivités des Vieilles Charrues par le Motocultor, un festival de hard rock dit heavy metal, « le Motocultor avait invité les festivaliers à afficher le gwenn-ha-du partout sur le site », indique Le Télégramme du 19 août (journal qui s’ouvre par une stupéfiante prosopopée du rédacteur en chef à la gloire du gwenn-ha-du). 

Hélas, déclarent les spécialistes de heavy metal auxquels la rédaction a fait appel, «avouons-le : la consigne ne semble pas avoir été tout à fait entendue par les metalleux qui ont été peu nombreux à arborer le drapeau breton. » 

Tout n’était pourtant pas perdu : « La plaine de Kerampuilh pourrait néanmoins se draper de noir et de blanc plus tard dans la soirée. 300 gwenn-ha-du seront distribués au début du concert de Brieg Guerveno, breton d’origine… » De fait, on voit les metalleux agiter docilement le drapeau qui leur a été mis en main… 

Et qu’auraient-ils fait si le maire RN de la ville leur avait distribué des drapeaux français à brandir ? Encore une question qu’il est interdit de poser. Le nationalisme breton est bon, le nationalisme français est mauvais : article 1er du credo. Toute protestation relève de l’hérésie, et l’hérésiarque, immédiatement mis au ban, est accusé de pathologie mentale. J’en ai offert ici même un exemple qui n’est pas sans intérêt car l’article « Blanche hermine, noir drapeau » montre à quel point la situation s’est aggravée en quelques années.

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L’image des metalleux sous gwenn-ha-du est une belle image de propagande nationaliste qui va pouvoir courir le monde et jouer son rôle, sauf que les mêmes journalistes, faisant preuve d’une sincérité peu commune en telle matière, avouent en dépit de l’euphorie martiale de rigueur que les metalleux vite lassés se sont, en fait, contenté de quitter la salle, laissant là leurs bannières.  

Ce mince exemple est instructif car il montre que le culte du drapeau, loin d’être une manifestation spontanée du penchant vexillogique inné des Bretons, résulte d’actions concertées elles-mêmes inscrites dans une propagande de plus en plus obsédante : défilés folkloriques, courses cyclistes, festival du film ou du chant de marin, tout est désormais ouvertement et d’abord politique, sous drapeau. Le conseil régional incite les internautes à (je cite) « inonder les réseaux sociaux en partageant leurs plus belles photos de vacances,un drapeau breton à la main ».  

Ainsi chaque touriste breton de passage dans un pays étranger est-il invité à se changer en propagandiste de la foi en la nation bretonne : ce drapeau, conçu dès l’origine comme antifrançais et antirépublicain par Maurice, dit Morvan, Marchal, un druide séparatiste (qui s’est signalé sous l’Occupation par sa luxueuse revue druidique antisémite subventionnée par les services de propagande allemands) est présenté comme la toute mignonne « mascotte » du Breton. Quant à son inventeur, c’était, à en croire la propagande officielle du conseil régional, un « architecte moderniste » (ses productions sont d’une ringardise sans nom), un « militant breton » (doux euphémisme pour ce nationaliste fanatique), un « membre du courant artistique des Seiz Breur » (groupe raciste)… C’était aussi un agent de la Gestapo, comme plusieurs des membres des Seiz Breur, je l’ai rappelé dans Miliciens contre maquisards, mais il est interdit de mentionner cette référence : elle est aussitôt effacée sur Wikipedia et, bien sûr, passée sous silence par les historiens nationalistes (qui seuls ont voix au chapitre) ;  il est, de même, impossible de rappeler les écrits racistes et antisémites de Youenn Drezen, autre membre des Seiz Breur, quoique je les aie de longue date traduits et que la réhabilitation de Drezen ait fait l’objet de nombreuses protestations

Sans le moindre effet. 

Là est le point essentiel : le conseil régional est informé, les historiens ne peuvent ignorer les faits et l’enrôlement de la population sous une bannière conçue par des militants racistes en haine de la France devrait faire scandale. 

Mais non. 

Le culte du drapeau s’inscrit dans un ensemble et j’en ai eu, à peine de retour, un autre exemple : le centenaire des Seiz Breur prolongeant le centenaire du gwenn-ha-du. 

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(À suivre)

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By Heart

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On a beau dire, ça fait une drôle d’impression de se trouver sur la scène de la Cour d’honneur au pied du Palais des papes face à deux mille personnes debout pour une immense ovation. L’instant d’avant vous étiez parmi ces spectateurs debout en train d’applaudir et voilà soudain que le metteur en scène vous fait signe de venir, vous descendez, vous montez, vous traversez la scène en vous demandant si le Palais des papes est bien réel et si le public ne va pas se fondre dans l’air mais, pas de doute, le metteur en scène qui vous prend par la main est vrai, et vous saluez en même temps que les dix inconnus qui viennent d’apprendre par cœur votre traduction. 

Cette scène improbable (filmée par Emmanuel Sérafini qui a eu la gentillesse de m’adresser cette vidéo mise sur Facebook) s’est déroulée hier ; j’en suis encore abasourdie, et je trouve que cet hommage à la traduction en clôture du Festival d’Avignon est l’illustration du spectacle de Tiago Rodrigues : apprendre par cœur, respecter le texte comme on respecte un bien qui vous appartient, et que l’on peut mettre à disposition de tous, tel est le thème de la pièce By Heart.

Personne n’obligeait Tiago Rodrigues à apprendre ma traduction plutôt que celle qu’il avait jusqu’alors choisie, une traduction en alexandrins un peu archaïsante et qui ne manquait pas de charme même si elle trahissait la forme du sonnet de Shakespeare. D’ailleurs, personne ne l’obligeait à donner By Heart dans la Cour d’honneur, en clôture du Festival, alors qu’il s’agissait d’un spectacle intimiste – et que, de la part du directeur du Festival, surgir en tant qu’acteur seul en scène, avec pour tout décor sept cageots, dix chaises dépareillées et un tabouret genre escabeau de cuisine pouvait s’apparenter à une manière de tenter le diable. 

À l’origine, l’idée était de clore le Festival sur une lecture des sonnets par Isabelle Huppert et une actrice anglaise. Cette lecture, qui n’a pas pu se faire, aurait été un magnifique et mélancolique hommage à la poésie anglaise (pour cette édition du Festival placée sous le signe de l’Angleterre). Au lieu d’une clôture en mineur, By Heart  a été une célébration collective de la poésie et de la mémoire comme résistance au temps (thème des sonnets de Shakespeare)et au pouvoir (juste hommage à ce qu’a été le Festival d’Avignon depuis les origines). C’est cet accord profond qui explique (entre autres) le prodigieux succès de la représentation, avec, en plus, la présence de l’immensité du monde, de sa lourdeur, de sa beauté que le Palais des papes rendait non pas oppressante mais mystérieuse comme la poésie elle-même… et, en plus du plus, la participation d’un autre personnage, non moins présent, le mistral qui feuilletait frénétiquement les pages des livres posés sur la scène comme pour nous inciter à lire, lire et lire encore, et apprendre par cœur en suivant l’exemple de la grand-mère cuisinière du metteur en scène… lequel n’était plus ni metteur en scène ni directeur du Festival mais juste un gamin qui jouait, on peut le dire, avec la complicité d’autres gamins pris par le jeu et qui, pour la plupart, sont sortis en sachant le sonnet 30 de Shakespeare. 

Ça fait aussi une drôle d’impression d’avoir en face de soi deux mille personnes qui savent votre traduction par cœur… 

Et quelle démonstration sans phrases, sans commentaires, sans rien sur ce qu’est la traduction, si loin des dogmes et des discours savants.  

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On pourra lire en ligne un compte rendu de la soirée…

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Au Festival d’Avignon

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Quelle étrange aventure ! Comme je l’annonçais le mois dernier, en clôture du Festival d’Avignon (qui, cette année, met l’Angleterre à l’honneur), Tiago Rodrigues a choisi de donner la dernière représentation de sa pièce By Heart – au cours de laquelle les spectateurs sont invités à apprendre par cœur le sonnet 30 de Shakespeare – et, pour la première et la dernière fois, avec ma traduction et non celle, en alexandrins, qu’il avait jusque alors dû adopter, faute de traduction française qui respecte la forme du sonnet anglais. 

Le spectacle se donnera dans la Cour d’honneur le 25 juillet. 

Comme en guise d’introduction, le dimanche 23 juillet à 20 h 30, avec Matthew Vanston, à la Scala Provence, 3 rue Pourquery de Boisselin (salle La Scala 60) nous ferons entendre, André Markowicz et moi,  un choix de ces sonnets en français et en anglais (première au monde). Un immense merci aux étudiants du Conservatoire d’art dramatique de Paris qui m’ont permis de revoir mon choix… Il s’agit d’une lecture libre et l’entrée sera libre. 

Dans la foulée, le lundi 24 à 17 h en compagnie de Laurent Lombard, au cloître Saint-Louis, sous l’intitulé « Traduire les sonnets de Shakespeare : une aventure inépuisable », nous expliquerons ce qui nous a amenés à traduire les sonnets de Shakespeare en inscrivant cette traduction dans une autre aventure (que nous espérons, elle aussi, inépuisable), celle de la création des éditions Mesures qui nous ont permis de publier ces sonnets. 

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Table ronde à Bellac

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Demain à 10 h, je fais le point sur les problèmes posés par Le Monde comme si dans le cadre du Festival des émancipations organisé par le théâtre de Bellac.

Regards croisés avec d’autres participants…

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Une occasion qui ne risque pas de se produire en Bretagne où les problèmes sont pourtant plus actuels que jamais…

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Les sonnets de Shakespeare

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Ils ont vu le jour au printemps, ces sonnets de Shakespeare, mais il m’a semblé qu’ils étaient là depuis toujours et je n’ai tout simplement pas eu l’idée d’annoncer ici leur parution.

Je ne fais que rattraper cet oubli en annonçant que, le 20 juin, nous présentons, André Markowicz et moi, cette traduction à la librairie Comment dire, 5 rue Jules Simon à Rennes (à partir de de 19 h). 

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Cette belle librairie, merveilleusement fraîche par ces jours de chaleur, nous permettra d’intervenir ensemble pour la première fois à Rennes depuis vingt ans, André Markowicz et moi, pour un travail commun.

Merci d’abord à Aliénor qui présente avec tant de constance les livres des éditions Mesures…

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Pourquoi traduire les Sonnets  de Shakespeare alors qu’il en existe déjà tant de traductions ? Mais parce qu’à la suite du spectacle de Tiago Rodrigues, By Heart, au cours duquel les spectateurs sont invités à apprendre par cœur le sonnet 30, nous  avons découvert qu’il n’existait en français que des traductions en prose ou en alexandrins. Alors qu’en portugais Tiago disposait d’une traduction qui respectait la forme du sonnet shakespearien (trois strophes en pentamètres iambiques à rimes croisées suivies d’un distique à rimes plates), aucun traducteur français n’avait eu l’idée de respecter la forme du texte original. 

Or, contrairement à ce que voudrait la doxa, respecter la forme choisie par l’auteur, quelle qu’elle soit, n’amène pas du tout à fausser le sens mais à le servir plus efficacement. C’est selon ce principe que nous avons traduit l’un et l’autre tant de texts différents.

Comme, par inadvertance, j’avais traduit le sonnet 30 qu’André avait déjà traduit puisqu’il avait engagé cette expérience à partir du sonnet dit par Tiago, nous nous sommes dit qu’il serait intéressant de donner nos deux versions, manière de montrer que la traduction est une interprétation où se lit la personnalité de l’interprète. 

Je n’insiste pas car Véronique Hotte a consacré un article à ces sonnets où peuvent se lire ces deux traductions. 

Le mieux pour commencer est d’écouter le sonnet 30 en anglais.

Et de lire l’article de Véronique Hotte

Enfin, comme pour boucler la boucle, le spectacle de Tiago Rodrigues sera donné au Festival d’Avignon le 25 juillet dans la Cour d’honneur du Palais des papes, et c’est ma version du sonnet 30 qu’il a choisie… 

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Rencontre à Quintin

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Vendredi prochain à 18 h à la magnifique librairie Le Marque Page à Quintin, nous présenterons les livres de la saison IV des éditions Mesures et principalement les Sonnets de Shakespeare que nous avons traduits pour la première fois en France en respectant la forme du sonnet… mais aussi Les Enfants de la guerre dont le tirage s’est épuisé en moins de six mois. André parlera de son recueil de Partages, synthèse de ses chroniques sur Facebook, de sa traduction de De vie à vie de Marina Tsétaïeva et Maximilian Volochine et de sa traduction de la prodigieuse pièce de Tchirikov, Les Juifs, dont le tirage est aussi presque épuisé à présent (nous avons dû lancer une réimpression). 

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Nous pouvons aussi parler de nos autres livres, et, par exemple, de la poésie médiévale puisque les Lais et les Fables de Marie de France en édition pédagogique devraient pouvoir désormais toucher un public d’enfants et d’adolescents… et répondent à La Folie Tristan parue aux éditions Mesures l’an passé. 

Ou encore de la guerre en Ukraine…

Ou encore…

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Rencontres à Lorient et à Concarneau 

Aujourd’hui à 19 h nous sommes invités à rencontrer nos lecteurs par la toute jeune librairie À la ligne de Lorient… 

Et demain, à 19 h aussi, nous sommes invités chez Albertine, une librairie, elle aussi, toute jeune et toute jolie qui se trouve à Concarneau. 

Nous parlerons surtout des derniers livres des éditions Mesures, Les Sonnets de Shakespeare, parus la semaine dernière, et aussi Les Enfants de la guerre qui, parus en décembre, ont connu un succès si extraordinaire (sans service de presse et sans un seul article, même en Bretagne) que le livre est à peu près épuisé (nous venons de lancer un deuxième tirage). Cela grâce aux libraires et aux abonnés des éditions Mesures… Merci à ces courageux libraires qui, eux aussi, ont fait le choix de nous demander de présenter ces livres si différents et si atypiques.   

Publié dans André Markowicz, Éditions Mesures, Les Enfants de la guerre, Librairie, Poésie, Rencontre, Sonnets, Traduction, Yvonne Kerdudo | Laisser un commentaire

Les ami(e)s inconnu(e)s

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À la fin du colloque sur Alain Françon, comme je reste échanger avec des personnes au sujet de sujets divers, voilà qu’arrive une charmante dame qui me sourit et me parle de Sur champ de sable – « un livre sans je », dit-elle, « juste par moments un léger on… » Oui, puisque c’est l’histoire d’une vie qui pourrait être celle de n’importe qui. Et cette inconnue ajoute quelques phrases qui témoignent d’une si fine compréhension qu’il est clair qu’elle a lu les quatre volumes et donc qu’elle les a achetés, mais où ? par quel miracle ? Et comment se fait-il qu’elle s’en souvienne si bien – à brûle-pourpoint, faudrait-il dire, car nul dans l’assemblée rassemblée à la Scala n’a, selon moi, la moindre idée de ce que je peux faire hors du théâtre et encore moins de cette aventure de la création d’une maison d’édition pour publier ces livres impubliables… Cette inconnue se révèle être Marie NDiaye, et voilà qu’elle donne à Libération aujourd’hui un article remarquable d’empathie, de curiosité amicale et de compréhension… Nous qui avons décidé de ne pas faire de service de presse, nous nous trouvons récompensés l’un et l’autre par la découverte de la critique comme partage (mot cher entre tous à André) et comme exercice de reconnaissance. 

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Hector Protector

Avec mes exemplaires d’auteur du dernier album illustré par Maurice Sendak, Hector Protector, j’ai reçu une affiche rassemblant les livres de Sendak que j’ai traduits depuis 2016 – treize à ce jour, mais il en manque un (pas de chance, mon préféré, qui devait paraître l’an dernier mais a été arrêté par les agents de Sendak, je ne sais pas pourquoi). J’ai aussi traduit Presto et Zesto pour l’École des loisirs. 

Après avoir été surprise de constater que les textes de présentation de ces albums ne comportaient aucune mention de traduction, j’ai découvert qu’un paragraphe indiquait que j’avais été choisie pour « mon exigence et mon attention à l’oralité ».

L’oralité, oui, pour ces deux comptines faites pour être dites et apprises par cœur en anglais comme en français. En tout cas, j’aime beaucoup ce petit Hector Protector qui sait dire non : savoir dire non, se révolter et résister, tel est le message que Maurice Sendak a fait passer par les deux comptines qu’il a rassemblées. 

C’est d’actualité. 

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