Les éditions Mesures et « Les Enfants de la guerre »

C’était une gageure que de publier un livre de photographies… tout le monde nous le disait, « ça ne se vend pas », mais, rien à faire, j’avais décidé de publier les images d’Yvonne Kerdudo qui m’avaient le plus touché. 

Résultat : le livre paru en décembre est en voie d’épuisement, et cela sans que nous ayons fait le moindre service de presse (vu que, de toute façon, en Bretagne, l’omerta est de rigueur et qu’ailleurs il est vain de lutter avec les flots de publications défendues par des attachées de presse pleines d’un enthousiasme dont l’étiage ne descend jamais). Je n’oublie pas le courage dont Aliénor qui dirige la librairie Comment dire à Rennes a fait preuve en nous invitant à présenter ce livre à parution.

J’ai signalé ici le remarquable entretien avec Christine Bessi sur radio Alligre au sujet des éditions Mesures et des Enfants de la guerre (entre autres). Il est accompagné d’un texte non moins remarquable d’attention et d’empathie (lisible sur le site de la radio).

Depuis, j’ai découvert un un bel article de Gilles Walusinski dans la revue critique Délibéré…

Et, ce matin, j’ai reçu le dernier numéro de Bretagne-Île-de-France avec cette interview de Gabriel Delahaye qui a toujours été attentif à mon travail (et ce depuis l’affaire Luzel dont il avait fait un compte rendu mémorable, et plus actuel que jamais, voilà maintenant bien longtemps). Les photographies de Madame Yvonne forment un lien touchant avec les collectes de Luzel dans les mêmes village du Trégor)… 

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La place du traducteur

Par le plus grand des hasards, au détour d’une alerte Google, André Markowicz découvre qu’une « table ronde »  a lieu le 28 janvier au sujet d’un album que j’ai traduit – en fait quatre albums de Samouil Marchak rassemblés sous le titre (que, pas plus que Marchak, je n’ai choisi) de Quand la poésie jonglait avec l’image. 

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À lire cette publicité, comme on peut le voir, la poésie qui jongle avec l’image, c’est celle de Marchak illustrée par Lébédev : elle existe telle que l’éternité la change, le texte français n’étant mentionné qu’au même titre que la recomposition des images ou la recherche d’’éditions, tâches subalternes mais hélas nécessaires. 

Je n’ai été ni informée que cette table ronde avait lieu ni invitée, cela va de soi puisque la version française de ces quatre poèmes n’a pas plus d’existence aux yeux de l’éditeur qu’à ceux des responsables de la bibliothèque patrimoniale de l’Heure joyeuse – qui, je l’apprends à cette occasion, organise depuis plusieurs semaines un hommage aux éditions MeMo (et notamment une exposition intitulée « Lire l’enfance avec les éditions MeMo »). 

J’ai traduit en 2005 ces quatre albums de Marchak. Le livre est introuvable depuis, à mon avis, au moins quinze ans. J’ai dû publier une trentaine de livres aux éditons MeMo, tous passés sous silence. Cette étrange « épopée éditoriale » poursuivie autour d’un livre absent fait de la « poésie » un texte lui-même absent, tenu pour nul et non avenu, alors même que Marchak ne séparait pas poésie et traduction. 

Il me semble qu’elle en dit plus long que de longues démonstrations sur le statut de la traduction en France.

La place du traducteur, c’est la place de l’absent. 

C’est ce qui explique la faiblesse de la traduction en France, et particulièrement la désastreuse faiblesse de la traduction de poésie. 

Marchak avait ouvert une voie qui s’est ici changée en impasse. 

Encore faut-il que les traducteurs en prennent conscience. 

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Radio libre

Aujourd’hui samedi à 16 h, sur la radio libre Alire FM, Christine Bessi consacre son émission « Dialogues » aux éditions Mesures et notamment à leur création à partir de Sur champ de sable. Chose qui mérite d’être signalée, elle accompagne chaque émission de textes qui témoignent de ses recherches – des recherches personnelles précises qui sont à chaque fois une véritable découverte. 

Il sera ensuite possible d’écouter l’émission en ligne (comme l’émission du 7 janvier dont j’ai parlé ici). 

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Conservatoire

Isaure, Mathilde, Suzanne, Karl, Philippe, Antoine, Louis-Damien, Victoire, Lou, Laure-Alice

Je trouve toujours tout à la fois étrange et merveilleux d’enseigner dans un conservatoire car les jeunes acteurs semblent si peu motivés par l’obligation de conserver que le contresens initial donne l’impression d’entrer dans une zone de recherche libre : il s’agit de transmettre en redécouvrant, donc de ne rien conserver a priori puisque tout peut à tout instant être remis en question… sauf ce qui mérite d’être conservé, et qui est ce qui reste quand tout est oublié. 

Au bout d’une semaine de travail sur La Cerisaie avec les étudiants de première année du Conservatoire de Lyon, nous nous sommes dit, Philippe Sire, le directeur du Conservatoire, André Markowicz et moi, qu’il faudrait poursuivre l’expérience en jouant les deux versions de l’acte II, la version académique et la version telle que Tchekhov l’avait écrite et que nous avons publiée pour la première fois. Manière d’approcher les profondeurs énigmatiques de cette pièce que nous n’aurons jamais fini de découvrir. 

C’est grâce à la collaboration exemplaire du TNP et du Conservatoire que nous avions pu, l’an passé, travailler sur La Folie TristanDans le cas de La Cerisaie comme dans le cas de La Folie Tristan, nous voulions donner aux élèves conscience de l’importance et des enjeux de la traduction – prise de conscience essentielle au moment où tant de metteurs en scène mélangent les traductions, voire les dénaturent pour mieux les plagier, où les plus grands théâtres omettent de mentionner le nom des traducteurs et où les critiques les passent sous silence. C’est sur ce fond d’indifférence au texte que prolifère la contrefaçon qu’il est si difficile de combattre et qui est elle-même une incitation à la médiocrité. 

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Résistance

Les rencontres qui viennent d’avoir lieu sont beaucoup plus que des rencontres : l’occasion de donner à entendre la parole de ceux des Russes qui, héroïquement, résistent à la dictature et à la folie meurtrière du pouvoir. 

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©Chritine Bessi

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Daniil Beilinson a dû prendre le parti de quitter la Russie où sa vie et celle des siens était menacée. Réfugié en France depuis le mois de mars avec sa famille, il continue de faire vivre le site de l’organisation de défense des droits de l’homme qu’il a créée : OVD info

Le samedi 7 janvier à 16 h la radio libre Aligre FM a diffusé l’entretien de Christine Bessi avec Daniil Beilinson et André Markowicz. Il est possible à présent de l’écouter en ligne… ou encore de la lire sur le site de la radio grâce au travail minutieux de Christine Bessi. 

C’est d’ailleurs l’occasion de découvrir « Dialogues », l’émission qu’elle anime, émission « consacrée aux échanges pluriels » (qui, le 21 janvier à la même heure présentera l’expérience de création des éditions Mesures).  

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© Émile Zieizig

Tatiana Frolova, elle, a fini par se résoudre à quitter la Russie après avoir pendant plus de trente ans dirigé le théâtre KnAM à Komsomolsk-sur-Amour. Ce petit théâtre était devenu depuis bien longtemps le symbole même de la résistance à la guerre, à la réécriture de l’histoire et à la terreur. Pour la décider à quitter la Russie, il a fallu que l’air devienne vraiment irrespirable…

Le 8 janvier, à la médiathèque Marcelline Desbordes-Valmore de Lyon avait lieu une rencontre avec elle, Jean Bellorini et André Markowicz. L’occasion en était la mise en scène du Suicidé de Nikolaï Erdman au TNP, mise en scène qui connaît un triomphe et qui, en soulignant les liens avec l’actualité, est aussi un acte de résistance. Jean Bellorini a su, chose exceptionnelle, provoquer ce rire qui appelle le sanglot –  le rire qui rend les comédies d’Erdman si bouleversantes. 

Magnifique rencontre et salle comble mais de nombreuses personnes ont été déçues de ne pas pouvoir entrer.   

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© Jacques Grison

Pour se consoler, il est possible de regarder en ligne quelques extraits du Suicidé  ou d’aller voir la pièce à Villeurbanne jusqu’au 20 janvier, puis les 27 et 28 janvier à Massy, du 9 au 18 février à Bobigny et ensuite à La Rochelle, Compiègne, Marseille, Amiens. 

Je n’exagère pas en disant qu’elle connaît un triomphe… en témoigne la petite vidéo du huitième rappel que m’adresse une spectatrice.

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Bonne année !

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Pour ouvrir la nouvelle année, quoi de mieux qu’une image d’Yvonne Kerdudo, l’une de ces merveilleuses images sur plaques de verre transmises au risque du temps et que les fractures ont rendues plus précieuses ? Ce petit garçon qui semble sourire à l’avenir, quel symbole ! Si je ne l’ai pas fait figurer parmi ceux dont j’ai retenu l’image pour Les Enfants de la guerre, c’est que la photographie, si belle, était trop forte et le symbole trop visible. Adieu, regrets puisqu’elle trouve ici sa place… Adieu, regrets, adieu, la vieille année. Puisse celle qui vient être digne du sourire de ce petit garçon qui tient d’une main si ferme la crinière de son cheval de carton. 

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François Tanguy

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La disparition de François Tanguy, si subite, laisse l’impression de voir s’effondrer un monde – celui qui a été le nôtre si longtemps au théâtre, ce monde d’optimisme qui autorisait, côté lumière, toutes les expériences de création et, côté nuit, toutes les protestations contre l’inadmissible. Depuis Le Chant du bouc jusqu’à Par autan qui devait se donner au Théâtre de Gennevilliers le 8 décembre, et depuis la grève de la faim pour la Bosnie aux rencontres sur l’Ukraine, la même énergie de vie animait l’incroyable aventure du Théâtre du radeau, naviguant de campement en campement, et donnant même à la Fonderie l’allure d’un radeau prêt à lever l’ancre.

La chose est bien oubliée maintenant, mais c’est à François et au comité de soutien fondé par Madeleine Louarn que je dois d’avoir résisté aux attaques judiciaires et autres des nationalistes bretons. Je viens, par une bien triste coïncidence, de retrouver un exemplaire de la pétition qui avait alors été signée par tant d’écrivains, de chercheurs, de directeurs de théâtre et de metteurs en scène, depuis Peter Brook jusqu’à Emmanuel de Véricourt qui avait ouvert le TNB au comité de soutien, jusqu’à Sabine Wespieser, toute jeune éditrice… Le théâtre était alors le lieu d’une résistance farouche au nationalisme et les violences qui m’étaient faites ont été l’occasion d’une réflexion sur le communautarisme qui nous a permis de nous rassembler autour de plusieurs actions, bien oubliées aussi à présent, et qui demandaient temps, patience et solidarité. Ainsi avons-nous protesté contre la réhabilitation de collaborateurs des nazis comme Hemon et Drezen – combat inutile, dira-t-on, puisque la vague de communautarisme, au théâtre et ailleurs, et la soumission des élus aux nationalistes a balayé tout notre travail, mais, disait-il, je m’en souviens, lors d’une rencontre en plein cœur d’un été, pourquoi viser l’efficacité ? « Nous avançons comme aveugles en plein jour »…

Il m’avait offert comme cadeau d’anniversaire une lanterne et, s’adressant à la lanterne comme les artisans du Songe d’une nuit d’été (qu’il avait mis en scène et que nous avions par la suite traduit pour Madeleine Louarn et répété à la Fonderie), il s’était lancé dans une improvisation sur le thème du clair et de l’obscur – côté lumière, côté nuit toujours… 

  • « Cette lantorne est la lune à deux cornes
  • Et, moi j’incorne l’Homme dans la lune… »

Faire surgir l’homme de la lune est un art qui ne se pratique pas sans risque. Comment ne pas se souvenir de la présence de François à la naissance des éditions Mesures ? Comment ne pas lui être à tout jamais reconnaissant de son accueil, de son talent, de sa drôlerie et de son amitié ? 

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Censure (suite) 

Comme plusieurs lecteurs, à la suite de l’annonce ici de l’invitation à présenter Les Enfants de la guerre à la librairie « Comment dire » m’ont écrit pour me demander où se trouvait l’injonction d’avoir à ne pas lire Le Monde comme si, je précise qu’elle ouvrait le site de l’association Kendeskiñ rassemblant des étudiants de Celtique de l’université de Rennes. À la suite des questions de ces lecteurs, cherchant à mettre le lien vers cette page, j’ai découvert qu’elle avait été récemment supprimée – mais comme je disposais d’une capture d’écran, je la donne ici, utile complément du chapitre Censure de ce site. 

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« Un livre à ne pas lire »… L’injonction a le mérite d’amener à constater, d’une part, que Le Monde comme si est plus actuel que jamais et, d’autre part, que ces étudiants de Celtique ne se contentent pas de rappeler la fatwa lancée contre ce livre mais l’appuient sur les inepties déversées par le responsable d’un site indépendantiste lié à l’extrême droite (lequel était venu l’an passé filmer mon enfarinage, prévu par des nationalistes bretons qui n’admettaient pas que je sois invitée à parler de la traduction du Maître et Marguerite, vu que j’ai interdiction de l’exprimer sur le sol breton, quel que soit le sujet. )

Ce détail qui n’en est pas un constitue aussi une utile mise en contexte de la première invitation depuis vingt ans à évoquer publiquement mon travail à Rennes en dépit de cette interdiction. Il fallait du courage pour braver l’interdit, et j’en profite pour saluer ce courage (et dire à quel point cette rencontre était drôle, chaleureuse et réconfortante). 

Détail qui n’en est pas un non plus, un lecteur me fait savoir que cette association ne rassemble pas, comme chacun pourrait le croire, les étudiants de Celtique de l’université de Rennes mais une poignée de militants inscrits sans même avoir besoin du baccalauréat pour l’obtention d’un diplôme d’études celtiques imaginé en 2012 par le sociologue Le Coadic, un autonomiste défenseur de la cause ethniste. Ce diplôme à usage indéfini, qui bénéficie d’une abondante propagande dans les médias bretons, rassemble, d’après les déclarations de ses responsables dans cette même presse, une vingtaine d’inscrits les bonnes années – des inscrits qui semblent être dans l’ensemble des retraités en quête de leurs racines celtes ou des militants soucieux de les promouvoir.

C’est ce souci qui a provoqué la fureur de Le Coadic et de ses partisans contre l’exposition Celtique ? qui s’est terminée le 4 décembre après une visite guidée organisée par ces partisans de la cause panceltique. 

Or, et c’est en quoi l’invitation préalable à censurer Le Monde comme si est intéressante, le journal Le Monde a consacré un article à cette exposition et à la polémique lancée par Le Coadic et Kendeskiñ. Cet article est intitulé « L’exposition “Celtique ?” contrarie les Bretons ». 

Ainsi trois pelés et deux tondus inscrits à l’université sans le moindre titre pour l’obtention d’un diplôme fumeux incarnent-ils « les Bretons », présentés comme outragés par une exposition qui ose « interroger » leurs supposées « racines celtes ». Au nom du peuple breton qui ne leur a rien demandé, ils sont autorisés à organiser une visite d’une exposition selon eux non conforme à la doxa. Et cela pour des motifs qu’ils ont déjà pu non seulement exposer mais imposer puisque, suite aux injonctions de Le Coadic et autres nationalistes fulminants (dont le barde Stivell, qui n’a pas craint de dénoncer une exposition qu’il avait glorieusement parrainée), les textes de cette exposition ont été récrits, les responsables cédant servilement à leurs injonctions. 

Le Monde comme si dénonçait le formatage idéologique visant à faire du Breton un Celte pour des motifs prudemment passés sous silence : l’exposition chargée du formatage comportant quelques lacunes (et un point d’interrogation hérétique), le lobby nationaliste a imposé sa loi.  

C’est ainsi que s’exerce la censure. 

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NB : Je me suis abstenue de commenter cette exposition pour laisser se développer l’instructive polémique à son sujet sans y participer, au risque de polariser sur moi comme de coutume la vindicte celtomaniaque, mais il va de soi que l’exposition elle-même et le catalogue, s’inscrivant dans la suite des expositions à la gloire de Xavier de Langlais et des Seiz Breur organisées par ce même Musée de Bretagne, constituent un condensé idéologique de tout premier choix. 

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Les Enfants de la guerre

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Voilà le premier exemplaire des Enfants de la guerre paru hier après-midi. Sous sa couverture délicatement ivoirée (ce que l’image laisse ignorer) et sur papier tatami lisse et velouté à la fois, il inaugure une nouvelle série aux éditions Mesures. 

C’est un pari que je voulais tenir d’abord pour rendre hommage au fonds de photographies d’Yvonne Kerdudo qui a été sauvé par Pascale Laronze, Alain Le Meur et la compagnie Papier Théâtre, ensuite pour offrir un prolongement au beau livre qu’ils lui ont consacré aux éditions Filigranes et, en même temps, un prolongement aux volumes de Sur champ de sable et à L’Oiseau-loup car les images d’Yvonne Kerdudo sont aussi le miroir de ce monde qui achève de disparaître.  

Je ne pensais bien sûr pas en imaginant de rassembler ces portraits d’enfants et de soldats comme une sorte de roman de la guerre que l’actualité leur donnerait une présence étrange en rendant plus cruelle cette protestation silencieuse. 

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Autre événement à marquer d’une pierre blanche : nous pourrons présenter Les Enfants de la guerre et les quatre autres livres de la saison IV des éditions Mesures le jeudi 8 décembre de 18 h 30 à 20 h 30 à la librairie « Comment dire »– magnifique librairie qui vient de s’ouvrir au 5 rue Jules Simon à Rennes. 

C’est la première fois depuis vingt ans que j’interviendrai publiquement à Rennes, ce qui mérite d’être souligné comme preuve du courage d’Aliénor Mauvignier qui, non contente de créer une toute nouvelle librairie, véritable défi, comme elle le dit, ne craint pas de braver l’interdit, pourtant plus actuel que jamais puisque l’association des étudiants de celtique de Rennes II vient de promulguer une injonction d’avoir à ne pas lire Le Monde comme si, livre paru voilà exactement vingt ans et qui, tel les Versets sataniques, reste objet de malédiction.

Il est vraiment réconfortant de penser qu’une librairie peut être aussi un espace de liberté. 

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Naissance du livre…

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D’ordinaire, après avoir relu ses épreuves et donné son bon à tirer, l’auteur reçoit son livre par la poste : il le découvre alors tel qu’il est destiné à vivre sa vie (une vie peut-être brève puisque l’éditeur peut l’expédier au pilon s’il ne se vend pas assez vite), avec son papier, son illustration de couverture (qu’il n’a souvent pas pu choisir), sa typographie, ses couleurs, bref, tout ce qui lui donne sa présence. Cette découverte peut être une heureuse surprise mais il m’est arrivé aussi de trouver carrément hideux le livre auquel j’avais apporté tous mes soins, voire de constater que l’illustration était un contresens qui changeait complètement le sens de mes textes. 

Plus jamais ça ! L’une des raisons pour lesquelles nous avons créé les éditions Mesures est justement la volonté de faire en sorte que la typographie, le papier, l’illustration puissent être pensés comme des éléments constituant un ensemble ayant sa vie propre. 

Pour le dernier-né des éditions Mesures, un livre associant le texte et l’image, ou plutôt les textes nés des images, les photographies sur plaques de verre d’Yvonne Kerdudo, le travail avec l’imprimeur était primordial : il ne s’agissait pas seulement de choisir le papier mais aussi le format, la mise en page, la présentation des photos. Tout était à repenser et le moindre élément était signifiant. 

Nous pensions avoir pris toutes les décisions requises lorsque – chose naturellement interdite à l’auteur lambda –, j’ai été invitée à participer au calage, c’est-à-dire à la finalisation de la couverture.

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Or, au dernier moment, j’ai été saisie d’un doute : fallait-il mettre le titre en noir comme pour tous les autres volumes des éditions ou le mettre en rouge comme l’idée m’en était venue subitement ? Sur papier blanc, le rouge était un peu voyant, mais sur le papier ivoiré des couvertures de Mesures, il était nettement plus beau. 

Encore fallait-il trouver des imprimeurs assez dévoués, attentionnés et passionnés pour procéder au tirage d’un unique exemplaire de la couverture. Le voilà ! Et Goulwen, Benjamin, Angélique et Yannick qui ont opté pour le rouge et tenu l’enfant sur les fonts baptismaux. 

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Ce n’était encore pas fini ! Au moment de terminer le calage du livre lui-même et de décider de l’intensité des noirs et des gris, voilà que la composition des titres en gris m’a semblée terne. Là encore, sur fond blanc, c’était beau et sur fond ivoiré, c’était comme une incongruité : on attirait l’attention du lecteur sur le titre et en même temps on lui donnait moins de force en regard du texte composé en noir. Accentuer le gris était impossible sans changer les valeurs adoptées pour les images. Ce n’était pas grand-chose et les lecteurs n’auraient peut-être pas accordé beaucoup d’importance à la couleur des titres : je n’aurais pas insisté sur cette petite réserve et j’ai été sidérée d’entendre Norbert qui procédait au calage me dire qu’il était possible de tout reprendre pour que le livre soit vraiment tel qu’il devait être. 

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Incroyable mais vrai ! Nous sommes restés assister à la remise au jour du livre… 

Ce travail est le plus précieux de tout. Pas seulement parce qu’il donne aux images d’Yvonne Kerdudo leur présence, ce qui pour moi était l’essentiel, mais parce qu’il prolonge son regard et celui que j’ai porté sur ces images que j’ai découvertes comme un trésor commun à partager.

C’est aussi une forme de partage…  

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